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Reine Anne

Anne (6 février 1665 - 1er août 1714) fut reine d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande à partir du 8 mars 1702 jusqu'à l'union de l'Angleterre et de l'Écosse le 1er mai 1707 ; elle devint alors reine de Grande-Bretagne et d'Irlande jusqu'en 1714.

Le père d'Anne, Jacques II, converti sur le tard au catholicisme, fut renversé au cours de la « Glorieuse Révolution » de 1688. Son gendre et cousin protestant Guillaume III régna conjointement avec son épouse Marie II, fille aînée du roi Jacques. Après la mort de cette dernière en 1694, Guillaume III régna seul jusqu'à sa mort en 1702 et Anne lui succéda.

 

Anne préférait les politiciens tories qui étaient plus favorables à sa religion anglicane que leurs opposants whigs. L'influence de ces derniers s'accrut durant la guerre de succession d'Espagne mais Anne en limogea beaucoup après 1710. Les relations étroites de la reine avec Sarah Churchill, proche des whigs, se détériorèrent du fait de leurs différends politiques.

Malgré dix-sept grossesses, aucun des enfants d'Anne n'atteignit l'âge adulte et elle fut la dernière souveraine de la Maison Stuart. En raison de l'Acte d'établissement de 1701, près de cinquante prétendants catholiques au trône furent écartés et le successeur d'Anne fut son cousin issu de germain, l'électeur protestant du Hanovre, George Ier.

Anne est née le 6 février 1665 au palais St. James de Londres. Elle était le quatrième enfant et seconde fille du duc Jacques d'York (futur Jacques II d'Angleterre) et de sa première épouse, Anne Hyde. Le frère de Jacques était le roi Charles II qui gouvernait les royaumes d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande et sa mère était la fille du lord chancelier Edward Hyde. Elle fut baptisée dans la religion anglicane dans la chapelle royale du palais St. James. Sa sœur aînée, Marie, était l'un de ses parrains de même que l'archevêque de Cantorbéry Gilbert Sheldon et qu'Anne Scott. Le duc et la duchesse d'York avaient huit enfants, mais seules Anne et Marie atteignirent l'âge adulte.

 

Durant son enfance, Anne souffrit d'une maladie de l'œil qui se manifestait par des écoulements importants. Elle fut envoyée en France pour être soignée et elle résida avec sa grand-mère paternelle, la reine douairière Henriette-Marie de France, au château de Colombes près de Paris. À la mort de sa grand-mère en 1669, Anne habita avec une tante Henriette d'Orléans et après son décès l'année suivante, elle rentra en Angleterre ; sa mère mourut en 1671. Comme cela était la tradition dans la famille royale, Anne et sa sœur furent élevées à l'écart de leur père, à Richmond, à proximité de Londres. Sur les instructions de Charles II, elles furent élevées dans la religion anglicane.

Vers 1671, Anne rencontra pour la première fois Sarah Jennings qui devint par la suite une amie proche et l'un de ses conseillers les plus influents. Jennings épousa John Churchill (le futur duc de Marlborough) vers 1678. Il était le frère de la maîtresse du duc d'York, Arabella Churchill, et il devint le plus important général d'Anne.

En 1673, la conversion du duc d'York au catholicisme fut révélée au public. Il se remaria avec la princesse catholique Marie de Modène qui n'avait que six ans de plus qu'Anne. Charles II n'avait aucun enfant légitime et le duc d'York était donc le premier dans l'ordre de succession suivi par ses filles issues de son premier mariage, Marie et Anne. Durant les dix années qui suivirent, la nouvelle duchesse d'York eut dix enfants mais tous moururent en bas-âge et Marie et Anne restèrent deuxième et troisième dans l'ordre de succession après leur père.

En novembre 1677, la sœur aînée d'Anne, Marie, épousa son cousin hollandais, Guillaume d'Orange mais Anne n'assista pas au mariage car elle souffrait de la variole. Lorsqu'elle se rétablit, Marie avait déjà quitté l'Angleterre pour les Provinces-Unies. Un an plus tard, Anne et sa belle-mère rendirent visite à Marie en Hollande. Du fait de l'hystérie anti-catholique alimentée par le supposé complot papiste, Jacques d'York et son épouse se réfugièrent à Bruxelles en mars 1679 et Anne les rejoignit à la fin du mois d'août. En octobre, le duc et la duchesse se rendirent en Écosse ; Anne, qui était rentrée en Angleterre au même moment, retrouva son père et sa belle-mère en Écosse de juillet 1681 à mai 1682. Ce fut son dernier voyage hors d'Angleterre.

 

Le cousin germain d'Anne, George de Hanovre, se rendit à Londres durant trois mois à partir de décembre 1680 et cette visite alimenta les rumeurs sur un potentiel mariage. L'historien Edward Gregg rejette ces rumeurs, arguant que son père était exclu de la cour et que les Hanovriens planifiaient de marier George à sa cousine germaine Sophie-Dorothée de Brunswick-Lunebourg pour essayer d'unifier les possessions hanovriennes. Selon d'autres rumeurs, Anne aurait été courtisée par John Sheffield, même s'il nia cela par la suite. En raison des commérages, il fut néanmoins temporairement exclu de la cour et envoyé à Tanger.

Le 28 juillet 1683, Anne épousa le prince protestant Georges de Danemark, frère du roi Christian V de Danemark. Même si le mariage fut arrangé, l'union fut heureuse et ils restèrent fidèles l'un envers l'autre. Le couple reçut comme résidence londonienne des bâtiments du palais de Whitehall appelés Cockpit-in-Court et Sarah Churchill devint l'une des dames de chambres d'Anne. Pour marquer leur amitié, Anne et Sarah s'appelaient respectivement par leurs surnoms affectueux de Mme Morley et Mme Freeman plutôt que par leurs titres officiels. Anne tomba enceinte quelques mois après le mariage, mais elle accoucha d'une fille mort-née en mai. Elle récupéra dans la ville thermale de Tunbridge Wells28 et donna naissance à deux filles, Marie et Anne Sophie, en 1685 et 1686.

Lorsque Charles II mourut en 1685, le père d'Anne devint roi sous le nom de Jacques II en Angleterre et en Irlande et de Jacques VII en Écosse. Il ne fut pas très bien accueilli par les Anglais qui s'inquiétaient de son catholicisme. Anne partageait ces craintes et elle continua de participer aux cérémonies religieuses anglicanes. Lorsque son père essaya de pousser Anne à faire baptiser sa plus jeune fille dans la foi catholique, elle éclata en sanglots ; elle écrivit à sa sœur : « l'Église de Rome est malfaisante et dangereuse ; leurs cérémonies, la plupart d'entre elles, sont complètement idolâtres ».

 

En quelques jours au début de l'année 1687, Anne fit une fausse couche, son époux contracta la variole et leurs deux jeunes filles succombèrent à la maladie. Lady Russel écrivit que George et Anne « furent extrêmement affectés [par les morts]… ils pleuraient parfois puis s'asseyaient en silence main dans la main ; lui malade dans son lit et elle l'infirmière la plus attentionnée que l'on puisse imaginer ». Elle accoucha à nouveau d'un nourrisson mort-né plus tard dans l'année.

Les craintes populaires concernant le catholicisme de Jacques II s'accrurent quand son épouse tomba enceinte pour la première fois depuis son accession au trône. Dans des lettres à sa sœur Marie, Anne suspecta que la reine feignait une grossesse pour essayer d'introduire un faux héritier. Elle écrivit ainsi : « Ils ne reculeront devant rien, quelle que soit la malice, si cela fait avancer leurs intérêts… il se pourrait qu'un acte déloyal soit en préparation ». Anne fit une nouvelle fausse couche en avril 1688 et elle quitta Londres pour récupérer dans la ville thermale de Bath.

La reine donna naissance à un fils, Jacques François Édouard, le 10 juin 1688, ce qui accrut la probabilité d'une succession catholique. Anne se trouvait encore à Bath et ne put assister à la naissance, ce qui accrut les doutes sur l'enfant. Il est possible qu'Anne ait quitté la capitale délibérément ou parce qu'elle était véritablement malade, mais il est également possible que Jacques ait souhaité exclure tous les protestants, y compris sa fille, des affaires de l'État. Anne écrivit à sa sœur : « Je ne serai maintenant jamais véritablement certaine que l'enfant est vrai ou faux. Il est peut-être notre frère, mais Dieu seul le sait… On ne peut s'empêcher d'avoir un millier de pensées craintives et mélancoliques, mais quels que soient les changements, vous me trouverez fermement attachée à ma religion et à vous-même ».

 

Pour dissiper les rumeurs concernant une fausse naissance, Jacques II rassembla quarante témoins à l'occasion d'une réunion du conseil privé, mais Anne avança qu'elle ne pouvait y assister car elle était enceinte et elle refusa de lire les dépositions car cela n'était « pas nécessaire».

 

Au cours de ce qui fut appelé la « Glorieuse Révolution », le beau-frère d'Anne, Guillaume d'Orange, envahit l'Angleterre le 5 novembre et déposa le roi Jacques II. Même si le roi lui avait interdit de se rendre en Hollande au printemps 1687, du fait de ses échanges avec Marie, Anne connaissait les ambitions de Guillaume. Sur les conseils des Churchill, elle refusa de soutenir son père après le débarquement de Guillaume, auquel elle écrivit une lettre le 18 novembre pour approuver son action. John Churchill abandonna le roi impopulaire le 24. Le prince George fit de même dans la nuit et le lendemain soir, Jacques II ordonna que Sarah Churchill soit enfermée dans le palais St. James. Anne et Sarah quittèrent le palais de Whitehall par une porte dérobée, passèrent la nuit dans la résidence de l'évêque de Londres, Henry Compton, avant de rejoindre Nottingham le 1er décembre. Deux semaines plus tard, Anne se rendit à Oxford où elle retrouva son époux et fut accueillie par une large foule. Après avoir appris la fuite de sa fille le 26 novembre, Jacques II se lamenta : « Que Dieu me vienne en aide ! Même mes enfants m'ont abandonné ». Le 19 décembre, Anne rentra à Londres où elle fut accueillie par Guillaume, tandis que Jacques II était arrivé en France le 22. Anne ne se préoccupa pas de la fuite de son père et demanda simplement son jeu de cartes habituel.

En 1689, le Parlement se rassembla et proclama que Jacques II avait abdiqué lorsqu'il s'était enfui et que les trônes d'Angleterre et d'Irlande étaient par conséquent vacants. Le Parlement d'Écosse prit une décision similaire et Guillaume et Marie furent proclamés monarques des trois royaumes sous les noms respectifs de Guillaume III et de Marie II. La Déclaration des droits et le Claim of Right Act de 1689 définirent les modalités de la succession. Anne et ses descendants étaient les premiers dans l'ordre et étaient suivis par les descendants de Guillaume III. Le 24 juillet 1689, Anne donna naissance à un fils, Guillaume de Gloucester, qui, bien que de santé fragile, survécut à son enfance. Comme Guillaume III et Marie II n'avaient aucun enfant, il semblait probable que le fils d'Anne lui succède sur le trône.

Peu après leur accession, Guillaume III et Marie II récompensèrent John Churchill en lui accordant le titre de comte de Marlborough et le prince George fut fait duc de Cumberland. Anne demanda l'usage du palais de Richmond et une pension parlementaire. Les souverains refusèrent la première demande et s'opposèrent sans succès à la seconde ce qui causa des tensions entre les deux sœurs. Le ressentiment d'Anne s'accrut quand Guillaume III refusa que le prince George reçoive un poste actif dans l'armée. En janvier 1692, Marlborough fut démis de ses fonctions par les souverains qui le suspectaient de conspirer avec les jacobites, partisans de Jacques II. Dans une démonstration publique de soutien à ce dernier, Anne emmena Sarah à un événement mondain au palais et refusa les demandes de sa sœur pour exclure Sarah de sa résidence. Sarah fut par la suite chassée de la résidence royale par le Lord Chambellan et Anne quitta en colère ses appartements royaux pour s'installer dans la Syon House de Charles Seymour. Elle perdit sa garde d'honneur, les courtisans ne pouvaient lui rendre visite et les autorités civiles reçurent l'ordre de l'ignorer. En avril, Anne accoucha d'un fils qui mourut quelques minutes plus tard. Marie II lui rendit visite mais au lieu de la réconforter, elle profita de l'occasion pour à nouveau critiquer son amitié avec Sarah ; les deux sœurs ne se revirent jamais.

 

Lorsque Marie II mourut de la variole en décembre 1694, Guillaume III continua de régner seul. Anne devint l'héritière présomptive, car les enfants que le souverain pourrait avoir avec une autre femme se trouveraient derrière elle dans l'ordre de succession. Les deux se réconcilièrent publiquement ; Anne recouvra ses anciens honneurs et fut autorisée à revenir au palais St. James, mais elle restait exclue des activités gouvernementales et Guillaume III évitait de la nommer régente pendant ses absences à l'étranger. Marlborough fut rétabli dans ses fonctions peu de temps après.

Selon Jacques II, Anne lui aurait écrit en 1696 pour lui demander d'accepter qu'elle succède à Guillaume III ; elle promit également de rendre la Couronne à la lignée de l'ancien roi au moment opportun, mais Jacques II refusa. Si cette affirmation est véridique, Anne essayait probablement d'assurer sa propre succession en empêchant une revendication directe par son père.

 

La dernière grossesse d'Anne se termina le 25 janvier 1700 par une fausse couche. Elle avait été enceinte au moins dix-sept fois et avait fait des fausses couches ou avait donné naissance à des enfants morts-nés au moins douze fois. Sur les cinq enfants vivants qui virent le jour, quatre moururent avant d'atteindre l'âge de deux ans. Anne souffrait d'accès de goutte, de douleurs dans les membres puis dans le ventre et la tête à partir de 1698. Ces symptômes ont poussé des pathologistes récents à proposer qu'elle souffrait de lupus érythémateux disséminé. Une annexite pourrait également expliquer pourquoi le début de ses symptômes coïncide avec ses dernières grossesses. Parmi les autres causes proposées pour ses différentes fausses couches figurent la listériose, une incompatibilité rhésus, le diabète et un retard de croissance intra-utérin. L'incompatibilité rhésus s'aggrave néanmoins à la suite des différentes grossesses et ne correspond donc pas avec l'histoire d'Anne car son seul enfant survivant, Guillaume, était né après une série de fausses couches. Les spécialistes considèrent également que la syphilis, la porphyrie et la déformation du pelvis sont incompatibles avec son historique médical.

Du fait de la goutte, Anne boitait une grande partie du temps vers la fin de sa vie. À la cour, elle utilisait un palanquin ou un fauteuil-roulant. Dans ses propriétés, elle utilisait une chaise à un cheval qu'elle conduisait elle-même « furieusement comme Jéhu ». Son mode de vie sédentaire fit qu'elle prit du poids ; pour Sarah, « elle est devenue excessivement grosse et corpulente. Il y avait quelque chose d'une majesté dans son regard mais mélangé avec une tristesse de l'âme ». John Clerk la décrivit en 1706 « lors d'un accès de goutte et dans un état de douleur extrême ; à cette occasion tout son être était à peu près dans le même désordre que le dernier de ses sujets. Son visage, qui était rouge et tacheté, était rendu presque effrayant par sa tenue négligée, et le pied touché était ligoté avec un cataplasme et des pansements sales. J'ai été très affecté par ce spectacle… ».

 

Le seul enfant survivant d'Anne, Guillaume de Gloucester, mourut à l'âge de onze ans le 30 juillet 1700. Anne ordonna à son personnel de respecter un jour de deuil chaque année pour l'anniversaire de sa mort. Comme Guillaume III n'avait pas d'enfants, Anne était la dernière personne restante dans la ligne de succession établie par le Bill of Rights de 1689. Pour éviter une crise de succession et empêcher un retour des catholiques, le parlement d'Angleterre édicta l'Acte d'établissement de 1701 qui stipulait que, si Guillaume III et Anne n'avaient pas d'enfants, la Couronne d'Angleterre et d'Irlande serait transmise à l'électrice Sophie de Hanovre et à ses descendants protestants. Sophie était la petite-fille de Jacques Ier via sa fille Élisabeth qui était la sœur du grand-père d'Anne, Charles Ier. Les prétendants catholiques furent exclus de l'ordre de succession. Le père d'Anne mourut en septembre 1701. Sa veuve écrivit à Anne pour l'informer que son père lui avait pardonné et lui rappeler sa promesse de restauration de la lignée de Jacques II. Anne avait néanmoins déjà approuvé le nouvel ordre de succession stipulé par l'Acte d'établissement.

 

Anne devint reine à la mort de Guillaume III, le 8 mars 1702. Dans un discours devant le parlement anglais, elle prit ses distances avec son prédécesseur en déclarant : « Comme je sais que mon cœur est entièrement anglais, je peux très sincèrement vous assurer qu'il n'y a rien que vous ne puissiez attendre ou espérer de moi que je ne sois pas prête à faire pour le bonheur et la prospérité de l'Angleterre ».

Peu après son accession au trône, Anne nomma son mari Lord Grand Amiral, ce qui lui donna le contrôle nominal de la Royal Navy. Elle confia le contrôle de l'armée à Marlborough, qu'elle nomma capitaine général. Ce dernier reçut également de nombreux honneurs de la part de la reine ; il fut fait chevalier de la Jarretière et élevé au rang de duc. La duchesse de Marlborough fut nommée Groom of the Stole, maîtresse de la garde-robe et gardienne de la bourse privée.

Anne fut couronnée le 23 avril 1702, jour de la Saint Georges. Souffrant de la goutte, elle fut emmenée dans l'abbaye de Westminster dans un palanquin ouvert pour permettre à sa traîne de dépasser. Le 4 mai, l'Angleterre rejoignit l'Autriche et les Provinces-Unies contre la France et l'Espagne dans le cadre de la guerre de succession d'Espagne. Charles II d'Espagne était mort sans enfants en 1700 et la succession opposait le Bourbon Philippe d'Anjou et le Habsbourg Charles d'Autriche.

 

L'Acte d'établissement de 1701 adopté par le parlement anglais s'appliquait à l'Angleterre et à l'Irlande, mais pas à l'Écosse où une importante minorité souhaitait préserver la dynastie Stuart et soutenait ses revendications au trône. En 1703, le parlement d'Écosse répondit à l'Acte d'établissement en adoptant l'Act of Security qui accordait au Parlement le droit de choisir le futur roi d'Écosse si Anne n'avait pas d'enfants. La personne choisie ne pouvait pas être le futur roi d'Angleterre à moins que l'Angleterre n'accorde une complète liberté de commerce aux marchands écossais. Anne commença par refuser d'accorder une sanction royale à cette législation, mais y fut contrainte l'année suivante quand le parlement écossais menaça de retirer son soutien aux guerres de l'Angleterre.

Le parlement anglais répondit à son tour par l'Alien Act de 1705 qui menaçait d'imposer des sanctions économiques et de déclarer que les sujets écossais étaient des étrangers en Angleterre à moins que l'Écosse ne retire l'Act of Security ou ne progresse vers une union avec l'Angleterre95. Le parlement écossais choisit cette seconde option et des émissaires furent nommés par la reine Anne pour négocier les termes de l'union96. Les conditions de l'union furent approuvées le 22 juillet 1706 et ratifiées par les parlements écossais et anglais respectivement le 16 janvier et le 6 mars 170797. D'après l'Acte d'Union, l'Angleterre et l'Écosse furent unifiés au sein d'un seul royaume appelé Grande-Bretagne avec un unique parlement le 1er mai 1707.

Anne fut dévastée par la mort de son époux le 28 octobre 1708 et l'événement marqua un tournant dans sa relation avec la duchesse de Marlborough. Cette dernière arriva au palais de Kensington peu avant la mort de George et après son décès, insista pour qu'Anne quitte Kensington et se rende à St. James. Anne fut irritée par les actions intrusives de la duchesse dont le retrait d'un portrait de George de la chambre à coucher de la reine puis son refus de le rendre en avançant qu'il était naturel « d'éviter de voir les papiers ou tout ce qui appartenait à quelqu'un que l'on a aimé alors qu'il vient juste de mourir ».

 

Les whigs exploitèrent la mort de George à leur avantage. La direction de l'Amirauté était impopulaire auprès des chefs whigs qui blâmaient le prince George et son assistant, George Churchill (le frère de Marlborough) pour la mauvaise gestion de la marine. Anne étant bouleversée par la perte de son époux, les whigs qui étaient maintenant majoritaires au Parlement l'obligèrent à accepter leurs chefs, Lords Somers et Wharton, au sein du Cabinet. Anne insista néanmoins pour assumer personnellement les fonctions de Lord Grand Amiral. Les whigs ne furent pas découragés et demandèrent la nomination de Lord Orford, l'un des principaux opposants du prince George en tant que premier Lord de l'Amirauté. Anne préféra nommer le plus modéré Lord Pembroke le 29 novembre 1708 qui fut néanmoins obligé de démissionner moins d'un an plus tard du fait des pressions. Après un nouveau mois d'affrontements, la reine accepta finalement de nommer Orford à la tête de l'Amirauté en novembre 1709.

 

Sarah continua de critiquer Anne pour son amitié avec Abigail et en octobre 1709, la reine écrivit au duc de Wellington pour demander que son épouse « cesse de [la] taquiner et de tourmenter et se comporte avec la décence qu'elle doit à une amie et à une reine126 ». Le Jeudi saint du 6 avril 1710, Anne et Sarah se virent pour la dernière fois. Selon Sarah, la reine était taciturne, formelle et répétait les mêmes phrases — « Quoi que vous ayez à dire, vous devriez l'écrire » et « Vous avez dit que vous ne désiriez pas de réponse et je ne vous en donnerai aucune » — encore et encore.

 

Anne fut incapable de marcher entre janvier et juillet 1713. À Noël, elle souffrit d'une forte fièvre et resta inconsciente pendant plusieurs heures, ce que certains interprétèrent comme l'imminence de sa mort. Elle récupéra mais retomba gravement malade en mars. Le 27 juillet 1714, durant les vacances parlementaires d'été, elle limogea Harley de son poste de Lord Trésorier149. Elle perdit l'usage de la parole après une crise cardiaque le 30 juillet 1714, jour anniversaire de la mort de son fils Guillaume de Gloucester, et sur les conseils du Conseil privé, accorda la fonction de Lord Trésorier au whig Charles Talbot. Elle mourut d'une crise de goutte ayant engendré un érysipèle vers 7 h 30 le 1er août 1714. Elle fut inhumée dans un cercueil presque carré aux côtés de son époux et de ses enfants dans la chapelle Henri VII, dans l'aile Sud de l'abbaye de Westminster, le 24 août.

L'électrice Sophie étant morte le 8 juin, son fils, George de Hanovre, monta sur le trône britannique sous le nom de George Ier conformément à l'Acte d'établissement. Les possibles prétendants catholiques comme le demi-frère d'Anne furent ignorés. Ce changement dynastique se fit sans grande opposition et un soulèvement jacobite en 1715 fut rapidement écrasé154. Marlborough fut rétabli dans ses fonctions et les ministres tories furent remplacés par des whigs.

 

La duchesse de Marlborough « dénigra excessivement » Anne dans ses mémoires41 et ses écrits partiaux persuadèrent de nombreux biographes qu'Anne était « une femme faible et indécise cernée par les querelles de la chambre à coucher et décidant des questions importantes sur la base des personnalités ». La duchesse écrivit ainsi :

« Elle voulait certainement bien faire et n'était pas une idiote, mais personne ne peut soutenir qu'elle était sage ou divertissante dans les conversations. Elle ne savait rien en dehors de ce que les pasteurs lui avaient enseigné quand elle était enfant… Très ignorante, très craintive et sans beaucoup de jugement, il est facile de voir qu'elle voulait bien faire en s'entourant de tellement de personnes astucieuses dont les desseins finirent par la déshonorer. »

 

Selon l'historienne Maureen Waller, les évaluations traditionnelles d'Anne comme une femme obèse, constamment enceinte, sous l'influence de ses favoris et manquant d'intuition politique ou d'intérêt dérivent peut-être des préjugés misogynes. L'auteur David Green nota qu'elle disposait d'un pouvoir considérable, mais qu'elle dut souvent céder. Le professeur Edward Gregg conclut qu'Anne avait souvent été capable d'imposer sa volonté, même si en tant que femme à une époque de domination masculine et du fait de ses problèmes de santé, son règne fut marqué par une plus grande influence des ministres et un déclin de celle de la Couronne. Elle assista à plus de réunions du Cabinet que tous ses prédécesseurs ou successeurs et présida à une époque de progrès littéraires, artistiques, économiques et politiques qui furent rendus possibles par la stabilité et la prospérité de son règne. En architecture, John Vanbrugh fit construire le palais de Blenheim et le château Howard et à la fin du XIXe siècle, un mouvement reprenant les caractéristiques de l'architecture anglaise des XVIIe et XVIIIe siècles fut appelé style Queen Anne. Les écrivains comme Daniel Defoe, Alexander Pope et Jonathan Swift prospérèrent.

 

L'union de l'Angleterre et de l'Écosse qu'Anne avait largement soutenuecréa la plus grande zone de libre-échange en Europe. Waller conclut que les réussites diplomatiques et politiques des gouvernements d'Anne et l'absence de conflits constitutionnels entre le souverain et le Parlement indiquent qu'elle choisit ses ministres et exerça ses prérogatives avec sagesse.

 

La ville d'Annapolis et le comté de Fluvanna aux États-Unis ainsi que le Fort Anne sur le site d'Annapolis Royal au Canada ont été nommés en l'honneur de la reine Anne. La course hippique Queen Anne Stakes est organisée chaque année sur l'hippodrome d'Ascot en Angleterre. Le Statut d'Anne adopté en 1710 fut le premier texte juridique définissant précisément le droit d'auteur. Dans l'historiographie anglo-saxonne, le théâtre américain de la guerre de succession d'Espagne est appelé Queen Anne's War (« guerre de la reine Anne ») et ce nom est peut-être à l'origine de celui du navire le plus célèbre du pirate Barbe Noire, le Queen Anne's Revenge (« la Vengeance de la reine Anne »).

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