George III
George III (né George William Frederick, 4 juin 17382 - 29 janvier 1820) fut roi de Grande-Bretagne et roi d'Irlande à partir du 25 octobre 1760 jusqu'à l'union des deux pays le 1er janvier 1801 ; il devint alors roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Il fut également prince-électeur de Hanovre au sein du Saint-Empire romain germanique puis roi de Hanovre à partir du 12 octobre 1814.
George III était le troisième monarque de la maison de Hanovre mais à la différence de ses deux prédécesseurs, il était né en Grande-Bretagne et sa langue maternelle était l'anglais. Le règne et la vie de George III, plus longs que ceux de tous les précédents souverains britanniques, furent marqués par une série de conflits ayant impliqué une grande partie de l'Europe et des territoires jusqu'en Afrique, en Amérique et en Asie. Au début de son règne, la Grande-Bretagne, à l'issue de la guerre de Sept Ans (1756-1763), devint la puissance dominante en Amérique du Nord et en Inde. Puis, un rééquilibrage des puissances eut lieu après la guerre d'indépendance américaine, qui vit les colonies américaines entrer en révolution et acquérir leur autonomie en 1783. La suite de son règne fut marqué à partir de 1793 par des guerres successives contre la France révolutionnaire et napoléonienne qui se terminèrent par la défaite de Napoléon Ier en 1815.
Vers la fin de sa vie, George III souffrit d'une aliénation mentale récurrente puis permanente. Ses médecins ignoraient la cause de la maladie et furent incapables d'aider le souverain ; on considère aujourd'hui qu'il souffrait d'une maladie du sang appelée porphyrie. À la suite d'une rechute finale en 1810, une régence fut instaurée et le fils aîné de George III, George de Galles, gouverna en tant que prince-régent. À la mort du roi en 1820, il monta sur le trône sous le nom de George IV.
Le jugement des historiens sur le bilan du règne de George III et sa personnalité a évolué au cours du temps. Il était relativement populaire de son vivant auprès du peuple, mais les évaluations de son règne furent globalement négatives jusqu'au milieu du XXe siècle. Les historiens modernes le considèrent avec plus de bienveillance en raison des événements de son règne (guerres, crises économiques) et de sa maladie. George est né à Norfolk House à Londres le 4 juin 1738 ; il était le second enfant et le premier fils du prince Frédéric de Galles et la princesse Augusta de Saxe-Gotha-Altenbourg. Comme George était né deux mois avant terme et qu'il était peu probable qu'il survive, il fut baptisé le même jour par l'évêque d'Oxford, Thomas Secker. Un mois plus tard, il fut publiquement baptisé à Norfolk House, à nouveau par Secker. Ses parrains étaient le roi Frédéric Ier de Suède, le duc Frédéric III de Saxe-Gotha et la princesse Sophie-Dorothée de Hanovre.
George ne garda pas de séquelles de sa naissance prématurée et grandit en bonne santé même s'il était un garçon timide et réservé. Sa famille s'installa à Leicester Square où George et son frère cadet, Édouard-Auguste, furent éduqués ensemble par des tuteurs privés. Les lettres familiales montrent qu'il pouvait lire et écrire en anglais et en allemand et commenter les événements politiques de l'époque alors qu'il n'avait que huit ans. Il fut le premier monarque britannique à étudier les sciences dont la chimie et la physique ; en plus des cours de mathématiques, d'astronomie, de français, de latin, d'histoire, de géographie, de commerce, d'agriculture et de droit, il reçut des leçons de sport, de danse, d'escrime et d'équitation. Son éducation religieuse fut exclusivement anglicane.
Le grand-père de George, le roi George II, détestait le prince de Galles et ne s'intéressa pas à ses petits-enfants. Après la mort soudaine de Frédéric des suites d'une maladie pulmonaire en 1751, George devint le prince héritier au trône britannique. Il hérita des titres de son père et devint duc d'Édimbourg puis prince de Galles.
Au printemps 1756, alors que George approchait de son 18e anniversaire, le roi lui offrit de s'installer dans la résidence royale du palais St. James mais il déclina l'offre suivant les conseils de sa mère et son confident, John Stuart qui devint par la suite premier ministre. La mère de George, alors la princesse douairière de Galles, préférait le garder avec elle pour lui inculquer ses valeurs morales strictes9,10. En 1759, George tomba éperdument amoureux de Sarah Lennox, la sœur du duc de Richmond, mais Stuart exprima son opposition à l'union et George abandonna ses idées de mariage, « je suis désigné pour le bonheur et la misère d'un grand peuple et par conséquent je dois agir contrairement à ma passion ». Les tentatives du roi pour le marier à la duchesse Sophie-Caroline-Marie de Brunswick-Wolfenbüttel furent repoussées par George et sa mère ; la duchesse épousera finalement le margrave Frédéric III de Brandebourg-Bayreuth.
Le 25 octobre 1760, George, alors âgé de 22 ans, accéda au trône sous le nom de George III après la mort soudaine de George II deux semaines avant son 77e anniversaire. La recherche d'une épouse convenable s'accéléra alors fortement. Le 8 septembre 1761, il épousa dans la chapelle royale du palais St. James la princesse Charlotte de Mecklembourg-Strelitz qu'il rencontre pour la première fois avant la cérémonie. Deux semaines plus tard, le couple royal fut couronné dans l'abbaye de Westminster. Contrairement à ses prédécesseurs et à ses fils, il n'eut pas de liaison extraconjugale et George III et Sophie Charlotte de Mecklemburg-Strelitz formèrent un couple uni. Ils eurent neuf fils et six filles. En 1762, George acheta Buckingham House (où se trouve aujourd'hui le palais de Buckingham) qui servit de résidence secondaire pour sa famille. Ses autres résidences étaient le palais de Kew et le château de Windsor tandis que le palais St. James conserva son statut de résidence officielle. George III voyagea peu et il passa toute sa vie dans le Sud de l'Angleterre. Dans les années 1790, il prit des vacances annuelles à Weymouth qu'il popularisa comme l'une des premières stations balnéaires en Angleterre. Dans son discours d'accession devant le Parlement, George proclama « né et éduqué dans ce pays, je trouve ma gloire dans le nom de l'Angleterre ». Il ajouta cette phrase, écrite par Lord Hardwicke, pour démontrer sa volonté de rompre avec ses ascendants allemands qui étaient jugés comme plus intéressés par le Hanovre que par la Grande-Bretagne.
Même si son accession au trône fut initialement bien accueillie par les membres de tous les partis politiques, les premières années de son règne furent marquées par l'instabilité politique essentiellement liée aux désaccords concernant la gestion de la guerre de Sept Ans. George III était également perçu comme plus favorable aux ministres tories et il fut accusé par les whigs d'être un autocrate. Dans les années 1760, les propriétés royales généraient relativement peu de revenus et la plupart des recettes de la monarchie provenaient des impôts et des droits d'accise. George III céda le contrôle des propriétés royales au Parlement en retour d'une liste civile annuelle pour la gestion de ses résidences et les dépenses royales. Les rumeurs selon lesquelles il aurait utilisé cet argent pour récompenser ses partisans et corrompre ses opposants sont rejetées par les historiens qui affirment qu'elles ne « reposent sur rien hormis des mensonges inventés par l'opposition mécontente ». Les dettes accumulées pendant le règne de George III furent réglées par le Parlement et la liste civile fut augmentée de temps à autre. Il accorda de grandes sommes d'argent provenant de ses fonds privés à la Royal Academy et aurait donné jusqu'à la moitié de ses revenus personnels à des organisations caritatives. Il acheta de nombreux tableaux réalisés entre autres par Giovanni Antonio Canal et Johannes Vermeer mais c'est en tant que collectionneur de livres qu'il reste le plus connu. La King's Library (aujourd'hui la British Library) fut ouverte aux universitaires et le roi acheta personnellement 6 000 ouvrages.
En mai 1762, le gouvernement whig de Thomas Pelham-Holles fut remplacé par celui du tory écossais John Stuart, 3e comte de Bute. Les opposants de Lord Bute firent circuler des rumeurs concernant une liaison avec la mère du roi et exploitèrent les préjugés anti-écossais de l'opinion anglaise. Le député whig John Wilkes publia le journal The North Briton dont les articles concernant Lord Bute et le gouvernement étaient incendiaires et diffamatoires. Wilkes fut finalement arrêté pour diffamation à l'encontre du gouvernement mais s'enfuit en France pour éviter une condamnation ; il fut expulsé de la Chambre des communes et condamné par contumace pour blasphème et diffamation. En 1763, après la signature du traité de Paris mettant fin au conflit, Lord Bute démissionna et les whigs revinrent au pouvoir sous la direction de George Grenville.
Plus tard dans l'année, la proclamation royale de 1763 créa une limite à l'expansion vers l'ouest des colonies américaines pour favoriser le développement des territoires au nord et au sud et apaiser les relations tendues avec les Amérindiens. La limite ne gênait pas la majorité des colons qui étaient des agriculteurs mais elle était impopulaire auprès d'une minorité influente et elle joua un rôle dans le conflit entre les colons et le gouvernement britannique. Comme les colons américains étaient généralement épargnés par les taxes britanniques, le gouvernement jugea qu'il serait approprié qu'ils en payent pour financer la défense des colonies contre les soulèvements amérindiens ou de possibles incursions françaises. L'opposition des colons ne portait pas sur le fait de payer des impôts mais sur le fait de savoir si le Parlement pouvait lever des taxes sans l'accord des Américains, or ceux-ci n'étaient pas représentés au Parlement. Le gouvernement britannique rejeta ces demandes de représentation et en 1765, Grenville introduisit le Stamp Act qui imposait l'ajout d'un timbre fiscal sur tous les documents américains. Comme les journaux étaient particulièrement touchés par cette taxation, ils devinrent les principaux vecteurs du mouvement d'opposition. Dans le même temps, le roi fut irrité par les tentatives de Grenville pour réduire les prérogatives du roi et il essaya sans succès de persuader William Pitt l'Ancien d'accepter le poste de Premier ministre. Après une brève crise, qui pourrait laisser présager de sa maladie à venir, George III demanda à Charles Watson-Wentworth de former un gouvernement et limogea Grenville.
Watson-Wentworth, avec le soutien de Pitt et du roi, annula l'impopulaire Stamp Act de Grenville mais son gouvernement était faible et il fut remplacé par Pitt en 1766. L'annulation de la loi par Pitt et George III fut si populaire en Amérique que des statues furent érigées en leur honneur à New York. Pitt tomba malade en 1767 et Augustus FitzRoy le remplaça mais ne devint formellement premier ministre qu'en 1768. La même année, John Wilkes rentra en Angleterre et se présenta aux élections générales. Il arriva en tête dans le Middlesex mais fut à nouveau exclu du Parlement. Il fut réélu et exclu deux fois de plus avant que le Parlement ne décide d'invalider sa candidature et de choisir le deuxième de l'élection. Le gouvernement de Fitzroy se désintégra en 1770 et les tories menés par Frederick North revinrent au pouvoir.
George III était profondément pieux et passait des heures à prier mais sa piété n'était pas partagée par ses frères. Le roi était choqué par ce qu'il jugeait comme étant des mœurs dissolues. En 1770, il fut révélé que son frère le prince Henry Frederick de Cumberland et de Strathearn était adultère et l'année suivante, il épousa une jeune veuve, Anne Horton. Le roi ne la considérait pas comme une épouse royale convenable car elle était issue d'une classe sociale inférieure et la loi allemande interdisait aux enfants du couple de monter sur le trône du Hanovre. George III demanda l'introduction d'une loi qui empêcherait les membres de la famille royale de se marier sans l'accord du souverain. La législation était impopulaire, y compris auprès des propres ministres de George, mais elle fut adoptée en tant que Royal Marriages Act de 1772. Peu après, un autre frère de George III, le prince William Henry de Gloucester et Édimbourg révéla qu'il était secrètement marié à Maria de Gloucester et d'Édinburgh. L'affaire convainquit George III qu'il avait eu raison d'introduire la loi et aucune des deux femmes ne fut reçue à la cour.
Le gouvernement de Lord North fut essentiellement occupé par le mécontentement grandissant en Amérique. Pour apaiser l'opinion américaine, la plupart des droits douaniers furent supprimés, à l'exception de ceux sur le thé. En 1773, les navires amarrés dans le port de Boston furent abordés par des colons et les ballots de thé qu'ils transportaient furent jetés à la mer lors d'un événement qui fut appelé la Boston Tea Party. L'opinion publique britannique se radicalisa et Pitt s'accorda avec North pour déclarer que la destruction des marchandises était « certainement criminelle ». Avec le soutien du Parlement, Lord North introduisit des législations qui furent surnommés les Actes intolérables par les colons : le port de Boston fut fermé et la charte de la province de la baie du Massachusetts fut modifiée pour que les dirigeants de la colonie soient nommés directement par le roi. Jusqu'à ce moment, selon l'historien Peter Thomas, George III « espérait obtenir une solution politique et il suivait toujours les avis de son Cabinet même s'il doutait de leur succès. Les documents détaillés des années 1763 à 1775 tendent à exonérer George III de toute véritable responsabilité dans la révolution américaine ». Même si les Américains qualifiaient George III de tyran, il se contentait alors d'agir en monarque constitutionnel soutenant les initiatives de ses ministres. À la fin de l'année 1810, à l'apogée de sa popularité, George III devint gravement malade, presque aveugle du fait de la cataracte et souffrait de rhumatismes. Il considérait que la maladie avait été déclenchée par la mort de sa plus jeune et fille préférée, la princesse Amélie. L'infirmière de la princesse rapporta que « les scènes de détresse et de pleurs journaliers… étaient tristes au-delà de la description ». En 1811, George III accepta la loi de Régence et le prince de Galles resta prince-régent jusqu'au décès de son père. Malgré des signes de convalescence en mai 1811, le roi avait sombré dans une aliénation complète et permanente et il vécut isolé dans le château de Windsor jusqu'à sa mort.
Le Premier ministre Spencer Perceval fut assassiné en 1812 (il reste le seul Premier ministre britannique victime d'un assassinat) et fut remplacé par Robert Jenkinson. Il présida à la victoire britannique lors des guerres napoléoniennes et le congrès de Vienne accorda d'importants gains territoriaux au Hanovre qui devint un royaume.
Dans le même temps, la santé de George III continua de se dégrader. Il présenta les signes de démence, devint complètement aveugle et de plus en plus sourd. Il fut incapable de comprendre son accession au trône de Hanovre en 1814 ou la mort de son épouse en 18181. Avant Noël 1819, il parla de manière incohérente pendant 58 heures, et dans les dernières semaines de sa vie, il fut incapable de marcher.
George III décéda à 20 h 38 le 29 janvier 1820 au château de Windsor, six jours après le décès de son quatrième fils, le prince Édouard-Auguste de Kent. Son fils préféré le prince Frederick d'York l'accompagna dans ses derniers moments. George III fut inhumé le 16 février dans la chapelle Saint-George du château de Windsor.
Les successeurs de George III, ses fils George IV et Guillaume IV, moururent tous deux sans enfants légitimes. Après leur mort, la seule fille légitime du duc de Kent, Victoria, monta sur le trône et elle devint le dernier monarque de la maison de Hanovre. George III vécut pendant 81 ans et 239 jours et régna pendant 59 ans et 96 jours. Sa vie et son règne furent plus longs que ceux de tous ses prédécesseurs. Seules Victoria et Élisabeth II ont vécu et régné plus longtemps.
George III fut surnommé « George le fermier » par les satiristes initialement pour moquer son intérêt des sujets prosaïques par rapport aux questions politiques puis pour marquer sa différence par rapport à la grandiloquence de son fils et le représenter comme un homme du peuple. Sous le règne de George III qui était passionné par l'agriculture1, la révolution agricole atteignit son apogée et de nombreux progrès furent réalisés dans les domaines scientifiques et industriels. La population rurale augmenta fortement et elle fournit une grande part de la main d'œuvre nécessaire à la révolution industrielle. La collection d'instruments scientifiques et mathématiques de George III est aujourd'hui exposée au Science Museum de Londres ; il finança la construction et l'entretien du télescope de 40 pieds (12,2 m) de focale de William Herschel qui était alors le plus grand au monde110. Lorsque Herschel découvrit la planète Uranus en 1781 avec ce télescope, il la nomma Sidus Georgium (« étoile de George ») en son honneur.
George III espérait que « les langues malveillantes ne peignent pas [ses] intentions dans les couleurs qu'elle admire ou que les flagorneurs ne [le] louent au-delà de ce [qu'il mérite] » mais dans l'esprit du public, il a été à la fois diabolisé et loué. Bien que populaire au début de son règne, George devint la cible des révolutionnaires américains même si environ la moitié des colons restèrent loyaux à la monarchie. Les griefs listés dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis étaient présentés comme des « injustices et des usurpations répétées » qui avaient pour objectif d'établir une « tyrannie absolue » sur les colonies. Les termes de la Déclaration ont contribué à ce que George III soit considéré comme un tyran par l'opinion américaine. Les études contemporaines sur la vie de George III se divisaient en deux camps : l'un décrivant les « opinions dominantes vers la fin de son règne quand le roi était devenu un symbole vénéré de résistance aux idées et au pouvoir français » tandis que l'autre « tire ses vues sur le roi des âpres luttes partisanes dans les deux premières décennies de son règne et exprime l'opinion de l'opposition dans ses travaux ». En s'appuyant sur ce deuxième type d'études, les historiens britanniques du XIXe siècle et du début du XXe siècle comme George Trevelyan et Erskine May défendirent des interprétations hostiles du règne de George III. Néanmoins, les travaux de Lewis Bernstein Namier au milieu du XXe siècle qui considérait que George était « énormément calomnié » entraînèrent une réévaluation de sa personnalité et de son règne. Les historiens de la fin du XXe siècle comme Herbert Butterfield ou Richard Pares tendent ainsi à le traiter avec plus de sympathie en le considérant comme la victime des événements et de la maladie. Ainsi en combattant les colons américains, George III croyait qu'il défendait le droit d'un Parlement élu à lever des taxes et ne cherchait pas particulièrement à étendre son pouvoir ou ses prérogatives. Les historiens considèrent que durant le long règne de George III, la monarchie continua de perdre son pouvoir politique et elle devint l'incarnation de la moralité nationale.



