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Edouard III

Édouard III d'Angleterre, né le 13 novembre 1312 au château de Windsor (Berkshire) et mort le 21 juin 1377 au palais de Sheen (Richmond upon Thames, Surrey), est roi d'Angleterre et seigneur d'Irlande du 25 janvier 1327 à sa mort. Il est également duc d'Aquitaine à compter du 10 septembre 1325, avant de céder ce titre à son fils aîné Édouard en 1362. Il règne pendant une période charnière, dans une Europe en crise économique et sociale qui bascule dans la guerre de Cent Ans et subit les ravages de la peste noire.

 

Édouard est couronné en l'abbaye de Westminster à Londres le 1er février 1327, à l'âge de 14 ans, en raison de la destitution de son père Édouard II le 20 janvier précédent. Alors qu'il est à peine âgé de dix-huit ans, il fait juger et exécuter le 29 novembre 1330 Roger Mortimer, commanditaire des assassins de son père et concubin de sa mère Isabelle de France, à qui cette dernière avait confié le gouvernement. Édouard III commence ainsi son règne personnel. Ayant restauré l'autorité royale après le règne désastreux de son père, il fait du royaume d'Angleterre la première puissance militaire d'Europe. Après avoir défait mais non soumis le royaume d'Écosse, il s'attaque à la France avec laquelle son royaume est en conflit larvé du fait de l'emprise économique de l'Angleterre sur toute la partie occidentale du royaume de France, des Flandres à l'Aquitaine, et de l'alliance franco-écossaise. Ces contentieux sont doublés par le problème de la souveraineté sur la Guyenne, fief pour lequel il est vassal du roi de France, qui peut à ce titre annuler toutes ses décisions de justice. Il se déclare héritier légitime du trône de France, en tant que petit-fils de Philippe IV le Bel par sa mère, le 7 octobre 1337, déclenchant la guerre de Cent Ans.

Après quelques revers, Édouard parvient à faire voter des impôts par le Parlement qui lui donne les moyens de maintenir une armée de métier, ce qui le conduit à la victoire. Les batailles de Crécy puis de Poitiers, lors de laquelle le roi de France Jean II est capturé, ainsi que la prise de Calais, lui permettent d'étendre son royaume sur le tiers de la France continentale en vertu du traité de Brétigny, signé le 8 mai 1360. Cependant, à compter de cette époque, il se heurte à Charles V qui renverse la tendance : celui-ci modernise en effet l'économie et l'armée françaises et fait accepter les impôts quand le Parlement anglais se met à rechigner à financer la guerre. Les dernières années d'Édouard sont difficiles : elles sont marquées par des revers sur le plan stratégique avec notamment la perte de pratiquement toutes ses conquêtes et par des troubles intérieurs, que l'on peut largement attribuer à son apathie et sa très mauvaise santé.

 

Hautement vénéré à son époque et pendant des siècles, Édouard est dénoncé plus tard comme un aventurier irresponsable par des historiens whigs. Cette vision est maintenant dépassée et l'historiographie moderne le crédite de nombreux accomplissements. Durant son long règne de 50 ans, il transforme son royaume et enclenche la transformation de l'Angleterre en puissance manufacturière maîtrisant toute la chaîne textile. Son règne voit des progrès primordiaux dans la législature et le gouvernement, en particulier l'évolution du Parlement anglais. Édouard naît à Windsor le 13 novembre 1312. Le règne de son père est marqué par des défaites militaires, des rébellions dans la noblesse et la corruption des courtisans, mais la naissance d’un héritier mâle en 1312 renforce temporairement la position d’Édouard II sur le trône. Ainsi, dans ce qui est probablement une tentative de son père de restaurer l’autorité royale après des années de mécontentement, Édouard est proclamé comte de Chester à seulement 12 jours, et moins de deux mois plus tard son père lui donne un ensemble de servants pour sa cour. Il a ainsi une certaine autonomie et peut vivre en prince. Comme tous les rois d'Angleterre depuis Guillaume le Conquérant, il est élevé en français et ne connaît pas l'anglais. En 1325, la reine Isabelle de France, dont les relations avec son mari se sont considérablement détériorées, est envoyée en France auprès de son frère le roi Charles IV le Bel, afin d'y négocier la paix en Gascogne. Les négociateurs arrivent à s'entendre, mais le roi d'Angleterre doit venir en France prêter allégeance pour ses terres gasconnes auprès du roi de France. Peu soucieux de traverser la Manche, Édouard II envoie son fils aîné, auquel il a donné la Gascogne, prêter allégeance. Le jeune Édouard est alors âgé de quatorze ans.

 

Peu après, la reine et son amant, Roger Mortimer, prennent la tête d'une révolte baronniale contre Édouard II. Le 24 septembre 1326, après avoir rallié à leur cause le comte de Hainaut, sa fille Philippa étant fiancée à Édouard, ils débarquent en Angleterre. Presque sans soutien, le roi est capturé et contraint à l'abdication le 20 janvier 1327, en faveur de son fils. Il sera assassiné dans sa prison quelques mois plus tard. Édouard III est couronné le 1er février en l'abbaye de Westminster à Londres par Walter Reynolds, archevêque de Cantorbéry, avec Isabelle et Mortimer comme régents. Mortimer devient de facto le dirigeant de l'Angleterre et soumet le jeune roi à un irrespect et une humiliation constants. Mortimer sait que sa position est précaire, et davantage lorsque Édouard et sa femme, Philippa de Hainaut, ont un fils, le 15 juin 13305. Mortimer use de son pouvoir pour acquérir des propriétés et des titres de noblesse tels que celui de comte de March dans le pays de Galles, la plupart de ces titres ayant appartenu à Edmund FitzAlan, 2e comte d’Arundel, resté loyal à Édouard II dans sa lutte face à Isabelle et Mortimer, et qui a été exécuté en novembre 1326. Cependant, l’avidité et l’arrogance de Mortimer lui attirent la haine des nobles ; tout n’est pas perdu pour le jeune roi. L'exécution d'Edmond de Woodstock, frère d'Édouard II, le 19 mars 1330 soulève l'indignation de la noblesse et inquiète fortement Édouard III qui se sent menacé.

Le jeune mais obstiné souverain est décidé à gouverner par lui-même et cherche à éviter le destin de son père et son oncle et à venger les humiliations subies. À près de 18 ans, Édouard est prêt à prendre sa revanche. Le 19 octobre 1330, Mortimer et Isabelle sont en train de dormir dans le château de Nottingham. Profitant de la nuit, un groupe loyal à Édouard pénètre dans la forteresse par un passage secret et jaillit dans les quartiers de Mortimer. Les hommes menant le coup d’État arrêtent Mortimer au nom du roi et il est emmené à la tour de Londres. Dépouillé de ses terres et de ses titres, il est accusé d’avoir usurpé l’autorité royale en Angleterre. La mère d’Édouard – vraisemblablement enceinte de l’enfant de Mortimer – demande grâce à son fils, en vain. Sans procès, Édouard condamne Mortimer à mort un mois après son renversement. Ce dernier est pendu le 29 novembre 1330. Alors que Mortimer est exécuté, Isabelle est exilée au château de Castle Rising dans le Norfolk, où il est probable qu'elle avorte. Pour son 18e anniversaire, la vengeance d’Édouard est complète et il prend la tête de l’Angleterre. Petit-fils de Philippe IV le Bel, Édouard est pourtant évincé de la succession de France en 1328. Ceci se fonde sur un choix fait lors de la succession de Louis X en 1316. Ce dernier est mort sans héritier mâle : l’héritier direct du royaume de France se trouve donc être la fille mineure du roi défunt, Jeanne6. L’infidélité avérée de la reine Marguerite en 1314 et sa mort en prison l'année suivante risquent de mettre en cause la légitimité de la princesse et fait craindre qu'un prétendant au trône prétexte d'une possible bâtardise de Jeanne pour légitimer ses revendications au trône7. Cependant, la reine Clémence, épouse en secondes noces du feu roi, est enceinte. Le frère du défunt roi, le puissant Philippe, comte de Poitiers, chevalier aguerri et formé par son père au métier de roi, s'impose comme régent. La reine accouche d'un fils nommé Jean. La dynastie est sauvée mais le nourrisson, roi sous le nom de Jean Ier de France, meurt quatre jours après sa naissance.

 

Philippe de Poitiers est considéré par les grands comme le plus apte à gouverner et se fait sacrer roi de France, consacrant l'éviction de Jeanne : si le choix du monarque français se fonde sur l'hérédité et le sacre, l’élection peut reprendre ses droits en cas de problème. Après le court règne de Philippe V, mort en 1322 sans héritier mâle, c’est son plus jeune frère, Charles IV, qui, bénéficiant du précédent de son aîné, ceint à son tour la couronne. Mais son règne dure également peu de temps. Quand Charles IV, troisième et dernier fils de Philippe le Bel meurt sans descendant mâle en 1328, la question dynastique est la suivante : Jeanne de Navarre n'a pas encore de fils — Charles de Navarre ne naît que quatre ans plus tard — et Isabelle de France, dernière fille de Philippe le Bel, a un fils, Édouard III, roi d'Angleterre. Peut-elle alors transmettre un droit qu’elle ne peut elle-même exercer selon la loi salique ?

Édouard III pourrait être candidat au trône, mais c’est Philippe VI de Valois qui est choisi. Il est le fils de Charles de Valois, l'ainé des frères cadets de Philippe le Bel, et descend donc par les mâles de la lignée capétienne. Il s’agit d’un choix géopolitique et une claire expression d'une conscience nationale naissante : le refus de voir un éventuel étranger épouser la reine et diriger le pays. Les pairs de France refusent de donner la couronne à un roi étranger, suivant la même logique de politique nationale que dix ans auparavant. La décision qui est prise en 1316 d'évincer les femmes de la succession à la couronne de France devient coutume en 1328, coutume tirée du code de loi salique.

La nouvelle ne surprend pas en Angleterre : seule Isabelle de France, qui est fille de Philippe le Bel, proteste de cette décision qui prive son fils de la couronne et envoie deux évêques à Paris, sans que ceux-ci soient reçus. Le Parlement anglais réuni en 1329 déclare d'ailleurs qu'Édouard n'a pas de droit à la couronne et doit prêter l'hommage pour l'Aquitaine. De la même manière, Jeanne de Navarre, qui avait été évincée en 1316, le reste en 1328. Son fils Charles, qui est le descendant mâle le plus direct de Louis X, ne naît qu'en 1332 et ne peut donc être candidat. Tous ces efforts d'apaisements sont ruinés quand Édouard Balliol, le fils de l'ex-roi pro-anglais John Balliol, débarque, à la tête d'une armée privée, le 6 août 1332 dans le comté de Fife, au Nord-Ouest de l'Écosse, ravivant ainsi le conflit anglo-écossais. Depuis 1296, profitant de la mort d’Alexandre III sans héritier mâle et d’une tentative de prise de contrôle par mariage, l’Angleterre considère l’Écosse comme un État vassal. Cependant, les Écossais ont contracté avec la France la Auld Alliance le 23 octobre 1295 et Robert Bruce (futur Robert Ier d’Écosse), écrase, lors de la bataille de Bannockburn en 1314, la chevalerie anglaise, pourtant très supérieure en nombre, grâce à ses piquiers qui, en fichant leurs lances dans le sol, peuvent briser les charges de cavalerie comme l'ont fait les Flamands contre les Français à la bataille de Courtrai. Ces formations de piquiers peuvent être utilisées de manière offensive à la manière des phalanges grecques (la formation serrée permet de cumuler l'énergie cinétique de tous les combattants qui peuvent renverser l'infanterie adverse) et ont disloqué les rangs anglais leur infligeant une sévère défaite. En 1328, Robert Bruce a été reconnu roi d'Écosse par le traité de Northampton. Mais, à la mort de ce dernier en 1329, David II n'a que huit ans et l'occasion est belle pour Édouard Balliol de réclamer la couronne.

 

Après le désastre de Bannockburn, les Anglais prennent acte de la fin de la supériorité de la chevalerie sur les champs de bataille et mettent au point de nouvelles tactiques. Le roi Édouard Ier d’Angleterre instaure ainsi une loi qui incite les archers à s’entraîner le dimanche en bannissant l’usage des autres sports ; les Anglais deviennent alors habiles au maniement de l’arc long (long bow). Le bois utilisé est l’if (que l’Angleterre importe d’Italie) qui a des qualités mécaniques supérieures à l’orme blanc des arcs gallois : les performances sont donc améliorées. Cette arme plus puissante peut être utilisée en tir massif à longue distance. Les Anglais adaptent leur manière de combattre en diminuant la cavalerie mais en utilisant plus d’archers et d’hommes d’armes à pied protégés des charges par des pieux plantés dans le sol (ces unités se déplacent à cheval mais combattent à pied). Pour être efficace, l'arc long doit être employé par une armée protégée et donc en position défensive. Il faut obliger l'adversaire à attaquer. Pour cela les Anglais utilisent en Écosse le principe de la chevauchée : l'armée déployée sur une grande largeur dévaste tout un territoire, jusqu'à ce que l'adversaire soit obligé de l'attaquer pour mettre un terme aux pillages. Utilisant ainsi un schéma tactique qui préfigure la bataille de Crécy, avec des hommes d'armes retranchés derrière des pieux fichés dans le sol et des archers disposés sur les flancs pour éviter que les projectiles ne ricochent sur les bassinets et armures profilés pour dévier les coups portés de face, Édouard Balliol écrase les Écossais pourtant très supérieurs en nombre, le 11 août 1332, à la bataille de Dupplin Moor. Édouard Balliol est couronné roi d'Écosse à Scone en septembre 1332. Édouard n'a pas participé à la campagne mais, en laissant faire, il n'ignore pas que le résultat lui est très favorable : il a un allié à la tête de l'Écosse.

Les succès de Balliol ont montré la supériorité tactique conférée par l'arc long anglais (long bow ou longbow), aussi, quand celui-ci est renversé le 16 décembre 1332, Édouard prend ouvertement les choses en main. Il révoque le Traité d'Édimbourg-Northampton signé en 1328 durant la régence par le Parlement anglais - qui reconnaissait le royaume d'Écosse comme une nation totalement indépendante - renouvelant ainsi les prétentions de souveraineté anglaise sur l’Écosse et déclenchant la seconde guerre d’indépendance écossaise. Dans l’intention de regagner ce que l’Angleterre avait concédé, il assiège et reprend le contrôle de Berwick, puis il écrase l'armée de secours écossaise à la bataille de Halidon Hill en utilisant exactement la même tactique qu'à Dupplin Moor. Il fait preuve d'une extrême fermeté : tous les prisonniers sont exécutés. Édouard III est alors en position de remettre Édouard Balliol sur le trône d’Écosse. Ce dernier prête hommage au roi d'Angleterre en juin 1334 à Newcastle et lui cède 2 000 librates de terrains dans les comtés du Sud : les Lothians, le Roxburghshire, le Berwickshire, le Dumfriesshire, le Lanarkshire et le Peebleshire.

 

Philippe VI est fortement contrarié car il comptait lancer une croisade en y emmenant Édouard III. Il accueille David II en mai 1334 et l'installe avec sa cour à Château Gaillard. Édouard tente d'apaiser le roi de France et d'obtenir rétrocession des terres saisies par Charles IV en Aquitaine, mais Philippe exige en échange le rétablissement de David II : les questions de Guyenne et d'Écosse sont désormais liées. En dépit des défaites de Dupplin et Halidon, les forces de David Bruce commencent bientôt à se ressaisir : dès juillet 1334, Édouard Balliol doit fuir à Berwick et demander l'aide d'Édouard III. Grâce à une taxe obtenue du Parlement et à un emprunt auprès de la banque Bardi, il relance une campagne écossaise. Il lance une chevauchée dévastatrice mais les Écossais ont compris la leçon et évitent les batailles rangées en lui opposant la tactique de la terre déserte. L’occupation des Plantagenêt est mise en danger et les forces de Balliol perdent rapidement du terrain. Édouard lève alors une armée de 13 000 hommes qui s'engage dans une deuxième campagne stérile. Les Français montent un corps expéditionnaire de 6 000 hommes et livrent une guerre de course dans la Manche. Fin 1335, ils livrent bataille à Culblean contre un partisan de John Balliol. Ils feignent de fuir et les Anglais, qui chargent en quittant leurs positions défensives, subissent un assaut de flanc et se débandent.

Vers cette époque, en 1336, le frère d’Édouard III, Jean d'Eltham, comte de Cornouailles, meurt. Dans son ouvrage gestia annalia, l’historien John de Fordun accuse Édouard d’avoir tué son frère dans une querelle à Perth.

Bien qu’Édouard III alloue une très large armée aux opérations écossaises, la grande majorité de l’Écosse a été reconquise par les forces de David II en 1337, laissant uniquement quelques châteaux tels que ceux d'Édimbourg, de Roxburgh et de Stirling aux mains des Plantagenêts. Une médiation papale tente d'obtenir la paix : on propose que Balliol reste roi jusqu'à sa mort et qu'il soit ensuite remplacé par David Bruce. Ce dernier refuse à l'instigation de Philippe VI1.

 

Les quelques places fortes encore sous contrôle sont insuffisantes pour imposer la loi d’Édouard et, dans les années 1338-1339, il passe d’une stratégie de conquête à une stratégie de défense des acquis. Édouard doit faire face à des problèmes militaires sur deux fronts ; la lutte pour le trône de France n’est pas un moindre souci. Les Français représentent un problème dans trois domaines. Premièrement, ils pourvoient un support constant aux Écossais par le biais de l'alliance franco-écossaise. Ensuite, les Français attaquent régulièrement plusieurs villes côtières anglaises, initiant les rumeurs d’une invasion massive en Angleterre. En effet, Philippe VI monte une expédition de 20 000 hommes d'armes et 5 000 arbalétriers. Mais, pour transférer une telle force, il doit louer des galères génoises. Édouard III, mis au courant par des espions, empêche le projet en payant les Génois pour neutraliser leur flotte : Philippe VI n'a pas les moyens de surenchérir. Enfin, les possessions du roi d'Angleterre en France sont menacées. En 1336, il interdit l'exportation des laines anglaises vers la Flandre (possession de la couronne de France). Cette provocation économique, défi de l'Angleterre à la France, est une des causes profondes du déclenchement de la guerre de Cent Ans. Sous le prétexte qu'il refuse de lui livrer Robert d'Artois, ennemi déclaré de la couronne de France, le roi Philippe VI de Valois confisque au roi d'Angleterre le duché d'Aquitaine le 24 mai 1337. Si le roi d'Angleterre est l'égal du roi de France, il est aussi duc d'Aquitaine depuis le mariage d'Henri II Plantagenêt avec Aliénor d'Aquitaine. Il est donc, à ce titre, vassal du roi de France et lui doit obéissance et fidélité. Au lieu de chercher une solution pacifique au conflit en rendant hommage au roi de France, Édouard revendique la couronne de France en tant que seul descendant mâle encore vivant de son défunt grand-père maternel, Philippe IV le Bel. Cependant, les Français invoquent la loi salique et dénigrent ses revendications en reconnaissant le neveu de Philippe IV, Philippe VI, de la maison des Valois, comme véritable héritier. En réponse, Édouard se déclare lui-même roi d'Angleterre et de France. En incorporant ses propres armoiries anglaises, les lions rampants, aux armoiries de la France, les fleurs de lys, il présente un nouveau blason personnel, marquant sa revendication des deux royaumes. Pour faire valoir ses droits, il entre en conflit armé avec la France, marquant ainsi le début de la guerre de Cent Ans.

 

Dans la guerre contre la France, Édouard construit des alliances et lutte à travers des petits princes français. En 1338, l'empereur Louis IV le nomme vicaire général du Saint-Empire romain germanique et lui promet son soutien. Au début du conflit franco-anglais, en 1339, sa belle-mère Jeanne de Valois le reçoit à l'abbaye de Fontenelle et tente en vain d'apaiser les esprits. L'Aquitaine est réputée indéfendable depuis sa saisie par Charles IV en 1324. Édouard décide donc de porter le combat en Flandres. Édouard III s'est assuré l'alliance des villes flamandes qui ont besoin de la laine anglaise pour faire tourner leur économie, mais aussi de l'empereur et des princes de la région qui voient d'un mauvais œil les avancées françaises en terres d'Empire. Ces alliances se sont faites sous la promesse de compensations financières de la part du roi d'Angleterre. Mais, quand il débarque, le 22 juillet 1338, à Anvers, à la tête de 1 400 hommes d'armes et 3 000 archers, ses alliés s'empressent de lui demander d'acquitter ses dettes plutôt que de lui fournir les contingents prévus. Le roi d'Angleterre passe donc l'hiver en Brabant à négocier avec ses créanciers. Pour neutraliser les troupes du roi de France arrivées à Amiens le 24 août, il lance des négociations que mènent l'archevêque de Canterbury et l'évêque de Durham. La manœuvre ayant réussi, le roi de France doit renvoyer sa considérable armée.

Il laisse les mains libres au roi de France en Aquitaine, dont l'offensive française menée par une force équipée de bombardes enchaîne les succès : les places fortes de Penne, Castelgaillard, Puyguilhem, Blaye et Bourg sont prises. L'objectif n'est pas loin d'être atteint quand l'armée met le siège devant Bordeaux en juillet 1339. Mais la ville résiste : une porte est prise, mais les assaillants sont repoussés avec difficulté. Paradoxalement, à cette période, il est plus facile aux assiégés de tenir sur leurs réserves que les armées assiégeantes, souvent très nombreuses et qui se retrouvent rapidement affamées. À Bordeaux, le problème du ravitaillement de 12 000 hommes se révèle insoluble, les ressources locales sont épuisées.

Au cours de l'été 1339, constatant les progrès français en Aquitaine et étant sous la menace d'un débarquement français en Angleterre, Édouard III décide de porter la guerre en Flandre obligeant Philippe VI à prélever des troupes pour aller combattre dans le Nord. Le siège de Bordeaux est levé le 19 juillet 1339. Ayant reçu des renforts d'Angleterre et ayant réussi à garantir ses dettes vis-à-vis de ses alliés, Édouard III marche avec eux sur Cambrai (ville d'Empire mais dont l'évêque s'est rangé du côté de Philippe VI) fin septembre 1339. Cherchant à provoquer une bataille rangée avec les Français, il pille tout sur son passage, mais Philippe VI ne bouge pas. Le 9 octobre, commençant à épuiser les ressources locales, le roi d'Angleterre doit se décider à livrer bataille. Il oblique donc vers le sud-ouest et traverse le Cambrésis en brûlant et tuant tout sur son passage : 55 villages du diocèse de Noyon sont rasés. Pendant ce temps, Philippe VI a fait réunir son ost et arrive jusqu’à Buironfosse. Les deux armées marchent alors l'une vers l'autre et se rencontrent une première fois près de Péronne. Édouard a 12 000 hommes et Philippe 25 000. Le roi d'Angleterre trouvant le terrain défavorable se retire. Philippe VI lui propose de se rencontrer le 21 ou 22 octobre en terrain découvert pour que leurs armées puissent en découdre selon les règles de chevalerie. Édouard III l'attend donc près du village de La Capelle, où il a établi son camp en terrain favorable, retranché derrière pieux et fossés, ses archers positionnés sur les ailes. Le roi de France, estimant qu'une charge de cavalerie serait suicidaire, se retranche aussi, laissant l'honneur aux Anglais d'attaquer. Le 23 octobre 1339, faute que l'un des deux adversaires ne veuille prendre l'initiative, les deux armées rentrent chez elles. La chevalerie française, qui comptait se financer sur les rançons demandées aux éventuels prisonniers faits au cours des combats, gronde et accuse Philippe VI de « renardie ».

 

Les premières tentatives d'Édouard n’ont pas grands résultats ; la seule victoire militaire majeure de cette phase est la victoire navale anglaise à L'Écluse (Sluis), près de Bruges, le 24 juin 1340, où 16 000 soldats et marins français trouvent la mort. La flotte de Philippe VI étant anéantie, cette victoire lui donne cependant la maîtrise de la Manche et la possibilité de porter facilement la guerre en France.

Pendant ce temps, la pression fiscale, causée par les alliances coûteuses d’Édouard, conduit à un mécontentement de la population en Angleterre. En réponse à cela, le roi revient au pays sans se faire annoncer le 30 novembre 1340. Trouvant les affaires du royaume en désordre, il purge l’administration royale. Ces mesures n’apportent toutefois pas de stabilité, et une discorde sans issue s’ensuit entre le roi et Jean Stratford, l’archevêque de Canterbury.

Édouard, au Parlement d'Angleterre d’avril 1341, est forcé d’accepter des limitations sévères à ses prérogatives financières et administratives. Cependant, en octobre de la même année, le roi répudie ce statut, et l’archevêque Stratford est politiquement ostracisé. Les circonstances extraordinaires du parlement de 1341 ont forcé le roi à se soumettre mais, en temps normal, les pouvoirs du roi dans l’Angleterre médiévale sont pratiquement illimités, et Édouard en tire avantage. Alors que les premières années de règne d’Édouard avaient été énergiques et pleines de succès, ses dernières années au pouvoir sont marquées par une certaine apathie, des échecs militaires et des troubles politiques. Les affaires journalières de l’État avaient moins intéressé Édouard que ses campagnes militaires. Ainsi, durant les années 1360, Édouard compte de plus en plus sur l’aide de ses subordonnés, en particulier William Wykeham. Wykeham, un parvenu, est fait Lord du sceau privé en 1363 et Lord chancelier en 1367, même si le Parlement le force à renoncer à la chancellerie en 1371 à cause de ses difficultés politiques liées à son inexpérience.

 

Les principales difficultés d’Édouard résident dans la mort de ses hommes de confiance, la plupart durant la nouvelle vague de peste en 1361-1362. William Montagu, un compagnon d’Édouard dans le coup d’État de 1330, est mort en 1344. William de Clinton, qui était aussi auprès du roi à Nottingham, meurt en 1354. Un des comtes de 1337, Guillaume de Bohun, meurt en 1360, et l’année suivante Henri de Grosmont, peut-être le meilleur capitaine du roi, succombe, probablement de la peste. Leur mort rajeunit l’entourage du roi qui se trouve donc naturellement plus proche des princes que du souverain lui-même.

Le second fils du roi, Lionel d'Anvers, tente de soumettre par la force les seigneurs anglo-irlandais d’Irlande, largement indépendants. La tentative échoue et la seule marque qu’elle laisse réside dans les répressifs statuts de Kilkenny de 1366.

Les déboires militaires à l’étranger et la pression fiscale associée aux campagnes mènent à un mécontentement politique à l’intérieur. Les problèmes arrivent à leur apogée au parlement de 1376, surnommé le Bon Parlement. Le parlement a été rassemblé pour définir l’imposition mais la Chambre des communes saisit cette opportunité pour présenter des revendications spécifiques. Les critiques sont en particulier dirigées à l’encontre des plus proches conseillers du roi. Le Lord Chambellan, William Latimer, et le Lord Intendant, John Neville, 3e baron Neville de Raby, sont démis de leurs fonctions. La maîtresse du roi, Alice Perrers, qui est perçue comme trop influente sur le roi vieillissant, est bannie de la cour.

Cependant, le réel adversaire de la Chambre des Communes, soutenu par des hommes puissants tels que Wykeham et Edmond de Mortimer, est Jean de Gand. En ce temps-là, le roi et le Prince Noir sont tous deux affaiblis par la maladie, laissant à Jean de Gand les rênes du gouvernement. Celui-ci est forcé d’accepter les demandes du Parlement mais, à sa nouvelle convocation en 1377, la plupart des réalisations du Bon Parlement sont annulées.

Cependant, Édouard lui-même n’est pas particulièrement intéressé par cette question. Après 1375, il joue un rôle limité dans le gouvernement. Autour du 29 septembre 1376, il tombe malade, souffrant d’un abcès important. Après une brève période de convalescence en février, le roi meurt d’une congestion cérébrale (certaines sources parlent toutefois d’une gonorrhée93) à Shene le 21 juin. Son petit-fils de 10 ans lui succède : c'est le roi Richard II d'Angleterre, fils du Prince Noir, ce dernier étant lui-même décédé le 8 juin 1376.

 

Édouard est inhumé en la chapelle de Saint-Édouard dans l'abbaye de Westminster à Londres. Édouard III connut de son vivant une popularité sans précédent, et même les troubles de la fin de son règne n’ont pas été reprochés au roi lui-même. Jean Froissart, un contemporain d’Édouard, écrit dans ses Chroniques que « Telle chose n’avait pas été vu depuis le temps du roi Arthur ». Cette vision persista un moment mais, avec le temps, l’image du roi changea. Les historiens whigs plus contemporains préfèrent les réformes constitutionnelles aux conquêtes étrangères et critiquent Édouard pour avoir ignoré ses responsabilités envers sa propre nation. Voici les mots de l’évêque William Stubbs :

« Édouard III n’était pas un homme d’État, bien qu’il possédât quelques qualifications qui auraient pu le faire briller dans ce rôle. C’était un guerrier, ambitieux, sans scrupule, égoïste, dépensier et orgueilleux. Ses obligations royales l’intéressaient peu. Il ne se sentait pas tenu par son devoir, que ce soit de maintenir la théorie de la suprématie royale ou de suivre une politique qui serait bénéfique à son peuple. Comme Richard Ier, il considérait l’Angleterre essentiellement comme une source d'approvisionnement. »

Influent comme l’était Stubbs, il fallut longtemps avant que cette vision soit contestée. Dans un article de 1960 titré Édouard III et les historiens, May McKisack souligne la nature téléologique du jugement de Stubbs. Un roi médiéval n’était pas censé travailler pour l’idéal futur de monarchie parlementaire ; son rôle était plus pragmatique – maintenir l’ordre et résoudre les problèmes lorsqu’ils apparaissaient. En cela, Édouard III excellait. Le roi fut également accusé d’avoir été trop généreux avec ses fils cadets et engendré ainsi un conflit dynastique qui culmina lors de la guerre des Deux-Roses. Mais cela fut rejeté par K.B. McFarlane, considérant qu'en plus d'être une politique commune à cette époque, il s'agissait de la meilleure. Des biographies plus récentes du roi telles que celles de Mark Ormrod et Ian Mortimer ont suivi cette tendance historiographique. Cependant, la vision préalable n’a pas été totalement négligée et, en 2001, Norman Cantor décrivait Édouard III comme un « voyou avare et sadique » et une « force destructrice et sans pitié ».

 

De ce que nous savons du caractère d’Édouard, il pouvait être impulsif et lunatique, comme on peut le voir dans ses actions contre Stratford et les ministres en 1340-1341. Dans le même temps, il était reconnu pour sa clémence ; le petit-fils de Mortimer ne fut pas seulement innocenté mais il vint à jouer un rôle important dans les guerres contre la France et fut finalement fait chevalier de l’Ordre de la Jarretière. Dans sa vision de la religion comme dans ses intérêts, il était un homme conventionnel. Son principal loisir était l’art de la guerre et, en cela, il était conforme à la vision médiévale du bon roi. En tant que guerrier, il fut si brillant qu’un historien de l’histoire militaire moderne l’a décrit comme « le plus grand général de l’histoire anglaise ». Il semble avoir été dévoué à sa femme, la reine Philippa. Beaucoup de choses ont été dites sur le libertinage sexuel d’Édouard, mais il n’y a aucune preuve d’infidélité de la part du roi avant qu'Alice Perrers ne devienne son amante, et, à ce moment, la reine était déjà condamnée par la maladie. Il est d'ailleurs assez singulier parmi les rois de l’Angleterre médiévale qu'il n'ait pas d’enfant illégitime connu. Cette dévotion s’étendait au reste de sa famille ; contrairement à beaucoup de ses prédécesseurs, Édouard n’a ainsi jamais connu d’opposition de la part de ses cinq fils.

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