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Elizabeth 1ère

Élisabeth Ire, née le 7 septembre 1533 au palais de Placentia à Londres et morte le 24 mars 1603 au palais de Richmond à Londres, fut reine d'Angleterre et d'Irlande de 1558 à sa mort.

Élisabeth était la fille du roi Henri VIII d'Angleterre. Sa mère Anne Boleyn, exécutée trois ans après sa naissance lui fit perdre son titre de princesse, reçu à sa naissance entériné par le Second Acte de Succession. Son demi-frère Édouard VI nomma comme successeur, par lettre patente sa cousine Jeanne Grey, ce qui écarta ses demi-sœurs Marie et Élisabeth de la succession au trône. Neanmoins, cette lettre patente d'Édouard VI fut interprétée comme acte de trahison et Jeanne Grey fut exécutée. Marie - fille d'Henri VIII et de la catholique Catherine d'Aragon - devint reine en juillet 1553. Élisabeth lui succéda cinq ans plus tard, après avoir passé près de 2 mois en prison en raison de son soutien supposé aux rebelles protestants et plus de 4 ans en résidence surveillée, entre le Palais de Woodstock et Hatfield Palace.

 

Élisabeth Ire s'entoura d'un groupe de conseillers de confiance mené par William Cecil pour définir sa politique. Comme reine, l'une de ses premières décisions fut de restaurer l'autorité de l'Église protestante anglaise aux dépens de l’Église catholique promue par sa demi-sœur Marie, comme seule religion d'État. Elle en devint le gouverneur suprême de l'Église anglicane. Ce Règlement élisabéthain évolua par la suite pour devenir l'Église d'Angleterre.

Elle était politiquement plus modérée que l'avaient été son père, son demi-frère et sa demi-sœur ; l'une de ses devises était video et taceo (littéralement « je vois et je me tais »). Élisabeth Ire était relativement tolérante sur le plan religieux et n'engagea pas de persécutions. En 1570, le pape l'excommunia et encouragea les sujets catholiques d'Élisabeth à ne plus lui obéir. La reine, qui échappa à plusieurs complots, adopta une diplomatie prudente et ménagea les grandes puissances européennes qu'étaient la France et l'Espagne. Elle ne soutint qu'à contrecœur plusieurs campagnes militaires dans les Pays-Bas, en France et en Irlande qui échouèrent en grande partie du fait de manque de ressources. Pendant son règne éclata la guerre anglo-espagnole qui vit l'Armada espagnole (Invincible Armada) tenter d'envahir le royaume d'Angleterre en 1588.

 

Le règne d'Élisabeth Ire appelé ère élisabéthaine est associé à l'épanouissement du théâtre anglais représenté par William Shakespeare et Christopher Marlowe, à l’émergence d' un style architectural, à l'installation permanente de colonies anglaises au Nouveau Monde ainsi qu'aux prouesses maritimes d'aventuriers comme Francis Drake et Walter Raleigh. Certains historiens ont cependant nuancé cet âge d'Or supposé et qualifient Élisabeth Ire de souveraine irascible et indécise qui eut plus que sa part de chance. Vers la fin de son règne, une série de problèmes économiques et militaires affectèrent sa popularité. Élisabeth Ire est néanmoins reconnue pour son charisme et son caractère obstiné, à une époque où les monarques des pays voisins affrontaient des difficultés internes qui mettaient leurs trônes en péril. Ce fut par exemple le cas de sa rivale Marie Ire d'Écosse, qu'elle fit emprisonner en 1568, puis exécuter en 1587. Après les brefs règnes de ses demi-frère et demi-sœur, ses 44 années sur le trône ont apporté une stabilité bienvenue au royaume et aidé à forger une identité nationale.

En vieillissant, elle fut surnommée the Virgin Queen, la « Reine Vierge », et cet aspect fut célébré dans de nombreuses œuvres artistiques. Élisabeth Ire ne se maria jamais et la lignée Tudor s'éteignit avec elle, sur le trône des royaumes d'Angleterre et d'Irlande, ouvrant la voie à la dynastie des Stuart, à l'orée du 17e siècle naissant. Élisabeth fut prénommée d'après ses grands-mères Élisabeth d'York et Élisabeth Howard1. Son père était le roi Henri VIII d'Angleterre. Ce dernier était marié à Catherine d'Aragon avec qui il avait eu plusieurs enfants, dont seule Marie, née en 1516, parvint à l'âge adulte. Désespérant d'avoir un héritier mâle, Henri entama une procédure de divorce et se rapprocha d'Anne Boleyn (qui résista avec intelligence aux avances du Roi). Ils se marièrent secrètement le 25 janvier 1533 et l'archevêque de Cantorbéry, Thomas Cranmer, prononça le divorce du couple royal le 23 mai. À sa naissance, Élisabeth devint donc l'héritière présomptive à la place de sa demi-sœur Marie, devenue illégitime et batarde. Elle fut baptisée le 10 septembre, et ses parrains et marraines furent Thomas Cranmer, Henri Courtenay, Élisabeth Howard, duchesse de Norfolk, et Marguerite Wotton, marquise de Dorset.

 

Après plusieurs fausses couches, Anne Boleyn fut répudiée par le roi et exécutée le 19 mai 1536, alors qu'Élisabeth avait moins de trois ans. Elle fut déclarée illégitime et perdit le titre de princesse. Onze jours après la mort d'Anne, Henri épousa Jeanne Seymour, mais celle-ci mourut peu après avoir donné naissance à un fils, Édouard, en octobre 1537 ; ce dernier devint donc le prince héritier. Élisabeth apporta en cadeau sa propre robe de baptême lors de la cérémonie de baptême de son demi-frère. Ensuite, Édouard et sa cour rejoignirent Élisabeth et Marie dans leur résidence de Hatfield Palace.

 

La première gouvernante d'Élisabeth, Margaret Bryan (en), écrivit qu'elle était « une enfant aussi prometteuse et de dispositions aussi douces que j'en ai jamais rencontrées dans ma vie ». À l'automne 1537, Élisabeth fut confiée à Blanche Herbert, Lady Troy, qui resta sa tutrice jusqu'en 1546. Catherine Champernowne, plus connue sous son nom de mariage d'Ashley, fut nommée gouvernante en 1537, et elle resta l'amie d'Élisabeth jusqu'à sa mort en 1565; elle lui apprit le français, le flamand, l'italien et l'espagnol. En plus de son propre cursus, elle bénéficia des tuteurs et de l'enseignement dispensé au futur roi, comme les Arts libéraux qui comprennent entre autre, la géométrie, la rhétorique, l'astronomie...autant de nouvelles matières propres à satisfaire la curiosité d'une élève particulièrement douée. Lorsque William Grindal devint son tuteur en 1544, Élisabeth pouvait écrire en anglais, en latin et en italien et, sous son enseignement, elle progressa en français et en grec. Après la mort de Grindal en 1548, Élisabeth fut éduquée par Roger Ascham et, à la fin de son apprentissage en 1550, elle était l'une des femmes les plus cultivées de sa génération. À la fin de sa vie, elle parlait également le gallois, le cornique, le scots et l'irlandais en plus de l'anglais. L'ambassadeur vénitien avança en 1603 qu'elle « maîtrisait [ces] langages si parfaitement que chacun d'eux semblait être sa langue natale ». Élisabeth est au manoir d'Enfield avec son demi-frère lorsqu'ils apprennent par Edward Seymour, la mort d' Henri VIII, leur père, le 28 janvier 1547. Son fils Édouard VI devint roi à l'âge de neuf ans. La veuve du souverain défunt, Catherine Parr, se remaria rapidement à Thomas Seymour, l'oncle d'Édouard VI et le frère du Lord Protecteur Edward Seymour. Le couple obtint la garde d'Élisabeth qui s'installa dans leur résidence de Chelsea. Certains historiens considèrent qu'elle y affronta une crise émotionnelle qui l'affecta jusqu'à la fin de sa vie. Seymour, qui approchait de la quarantaine mais conservait son charme14, se lançait dans de nombreuses facéties avec Élisabeth, alors âgée de 14 ans. À une occasion, il entra dans sa chambre en robe de chambre pour la chatouiller et la frapper sur les fesses. Parr ne s'opposa pas à ces activités inappropriées et y participa à plusieurs reprises ; elle immobilisa ainsi Élisabeth alors que Seymour déchirait sa robe noire « en milliers de morceaux ». Néanmoins, quand elle les trouva enlacés, elle mit un terme à ces activités, et Élisabeth fut renvoyée en mai 1548.

 

Thomas Seymour continua toutefois à comploter pour contrôler la famille royale et essayer de se faire nommer gouverneur du souverain. Lorsque Parr mourut en couches le 5 septembre 1548, il recommença à s'intéresser à Élisabeth et avait l'intention de l'épouser. Les détails de son comportement antérieur avec elle furent révélés, et cela fut trop pour son frère et le Conseil de Régence. En janvier 1549, il fut arrêté et accusé de vouloir épouser Élisabeth et de renverser le roi. Élisabeth, qui se trouvait à Hatfield Palace, fut interrogée mais ne dit rien, et son interrogateur, Robert Tyrwhitt, rapporta « je peux voir sur son visage qu'elle est coupable ». Seymour fut décapité le 20 mars 1549. Le roi Édouard VI mourut le 6 juillet 1553 à l'âge de 15 ans. La lettre patente qu'il écrivit avant son décès, fut reconnu comme acte de trahison, selon la loi de Trahison de 1547. En effet, en pleine violation du Troisième Acte de Succession, elle excluait Marie et Élisabeth de la succession et désignait comme successeur au trône Jeanne Grey, petite-fille de Marie Tudor duchesse de Suffolk, la sœur d'Henri VIII. Jeanne Grey fut proclamée reine par le Conseil privé majoritairement protestant mais ses soutiens s'affaiblirent au fur et à mesure que les Lords rejoignaient Marie, la reine légitime. Elle fut renversée au bout de neuf jours. Marie entra triomphalement dans Londres, à cheval, avec sa demi-sœur Élisabeth à ses côtés.

Ce témoignage de solidarité entre les deux sœurs ne dura pas longtemps. Marie Ire, catholique fervente (de mère espagnole), était déterminée à écraser la foi protestante dans laquelle Élisabeth avait été éduquée et ordonna que tous ses sujets assistent à la messe catholique ; Élisabeth fut obligée de s'y conformer en apparence. La popularité initiale de Marie Ire s'effrita en 1554 quand elle épousa le prince Philippe II d'Espagne, catholique et fils de l'empereur (et roi d'Espagne) Charles Quint. Le mécontentement se propagea rapidement dans tout le pays et beaucoup se tournèrent vers Élisabeth.

 

En janvier et février 1554, Thomas Wyatt mena une révolte contre les politiques religieuses de l'intransigeante Marie Ire mais elle fut rapidement écrasée. Élisabeth fut convoquée à la cour pour y être interrogée sur son rôle ; elle déclara avec véhémence qu'elle était innocente mais elle fut emprisonnée le 18 mars à la tour de Londres. Même s'il est improbable qu'elle ait comploté avec les rebelles, on sait que certains d'entre eux l'avaient approchée. L'ambassadeur de Charles Quint, le conseiller le plus proche de Marie Ire, Simon Renard, affirma que son trône ne serait jamais sûr tant qu'Élisabeth serait en vie, et le lord chancelier Étienne Gardiner travailla pour organiser son procès. Les soutiens d'Élisabeth dans le gouvernement, dont William Paget, convainquirent néanmoins la reine d'épargner sa demi-sœur en l'absence de preuves solides contre elle. Le 22 mai, Élisabeth quitta la prison de la Tour de Londres et fut emmenée au palais de Woodstock où elle passa près d'un an en résidence surveillée sous la supervision d'Henry Bedingfeld. Les foules l'acclamèrent sur tout le trajet. Sortie en 1555, Élisabeth gagna Hatfield Palace, sa nouvelle résidence surveillée sous la responsabilité de Sir Thomas Pope jusqu'à la fin du règne de Marie.

 

Le 17 avril 1555, Élisabeth fut rappelée à la cour pour assister aux dernières étapes de l'apparente grossesse de Marie Ire mais, lorsqu'il devint évident qu'elle n'était pas enceinte, plus personne ne crut qu'elle pourrait avoir un enfant. Le roi Philippe, fils de Charles Quint, qui monta sur le trône d'Espagne en 1556, reconnut la nouvelle réalité politique et se rapprocha de sa belle-sœur. En effet, la reine Marie Ire d'Écosse, cousine d'Élisabeth, pouvait également revendiquer la couronne d'Angleterre. Or elle était fiancée au Dauphin de France avec qui l'Espagne était en guerre ; Élisabeth représentait donc une alternative préférable. Lorsque son épouse tomba malade en 1558, le roi Philippe dépêcha le duc de Feria pour consulter Élisabeth. En octobre, Élisabeth préparait déjà son gouvernement, et Marie Ire la reconnut comme son héritière le 6 novembre. Cette dernière mourut le 17 novembre 1558, et Élisabeth monta sur le trône. Les convictions religieuses d'Élisabeth Ire ont fait l'objet de nombreux débats. Elle était protestante mais conservait des symboles catholiques comme le crucifix et minimisait l'importance des sermons malgré leur importance capitale dans la foi protestante. Par rapport à son intransigeante demi-sœur catholique Marie Ire, elle était plutôt tolérante. De manière générale, elle privilégiait le pragmatisme pour les questions religieuses. Élisabeth Ire et ses conseillers craignaient une possible croisade catholique contre l'Angleterre hérétique. La reine chercha alors une solution protestante qui n'irriterait pas trop les catholiques tout en satisfaisant les désirs des protestants anglais. Elle ne tolérait cependant plus les puritains radicaux qui demandaient des réformes profondes. Le Parlement commença alors en 1559 à légiférer sur une nouvelle Église basée sur les réformes d'Édouard VI, avec le monarque à sa tête, mais avec de nombreux éléments catholiques comme les habits sacerdotaux.

 

La Chambre des communes était largement en faveur de ces propositions, mais la loi de suprématie rencontra l'opposition des évêques de la Chambre des lords. De nombreux évêchés étaient cependant vacants à ce moment, de même que la fonction d'archevêque de Cantorbéry. Les partisans de la réforme étaient donc plus nombreux que les évêques et les lords conservateurs. Élisabeth Ire fut néanmoins forcée d'accepter le titre de gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre plutôt que le titre de chef suprême que beaucoup ne voulaient pas accorder à une femme. Le nouvel Acte de suprématie fut adopté le 8 mai 1559, et tous les fonctionnaires durent prêter un serment de loyauté au monarque sous peine de perdre leur poste ; les lois d'hérésie furent annulées pour éviter une répétition des persécutions pratiquées par Marie Ire. Une nouvelle loi d'Uniformité fut adoptée au même moment pour rendre obligatoires la présence à l'église et l'utilisation de la version de 1552 du livre de la prière commune ; les peines pour les récusants ou le non-respect de la loi n'étaient cependant pas excessives. Dès le début de son règne, il était attendu qu'Élisabeth Ire se marie, et la question était de savoir avec qui. Malgré les nombreuses demandes, elle ne se maria cependant jamais, pour des raisons qui restent peu claires. Les historiens supposent que Thomas Seymour l'avait découragée à avoir des relations sexuelles, ou encore qu'elle se savait stérile. Elle considéra plusieurs prétendants jusqu'à l'âge de 50 ans, et le dernier fut le duc François d'Anjou de 22 ans son cadet. Même si, comme sa sœur qui était manipulée par le roi Philippe II d'Espagne, elle risquait de perdre son pouvoir, un mariage ouvrait la possibilité d'un héritier. Le choix d'un époux pouvait également provoquer une instabilité politique voire une insurrection.

 

Le fait qu’elle ne se soit jamais mariée, son usage outrancier de cosmétiques et sa volonté de ne pas être autopsiée après sa mort ont fait naître la rumeur que la reine était un homme. Selon cette légende, la jeune princesse Élisabeth fut envoyée vers 1543 au château de Berkeley, pour l'éloigner de Londres où sévissait la peste. Elle mourut malgré cette mesure prophylactique, si bien que sa gouvernante, craignant que le roi Henri VIII ne la fasse décapiter pour s'être mal occupée de sa fille, prit le risque de lui trouver un sosie, à Bisley, village proche du château ; il s'agissait d'un garçon, le « Bisley Boy ». Cette thèse substitutionniste a été forgée au XIXe siècle par un pasteur de Bisley et connaît une certaine popularité depuis qu'elle a été exposée dans le livre Famous Impostors de Bram Stoker en 1910. Au printemps 1559, il devint clair qu'Élisabeth Ire était amoureuse de son ami d'enfance, Robert Dudley. Il était dit qu'Amy Robsart, son épouse, souffrait « d'une maladie dans l'un de ses seins » et que la reine épouserait Dudley si sa femme venait à mourir. À l'automne de la même année, plusieurs prétendants étrangers se pressaient autour de la reine, leurs émissaires impatients se lançaient dans des discours toujours plus scandaleux et rapportaient qu'un mariage avec son favori ne serait pas bien accueilli en Angleterre. Amy Dudley mourut en septembre 1560 après une chute dans les escaliers et, malgré le rapport du médecin légiste concluant à un accident, de nombreuses personnes suspectèrent Dudley d'avoir provoqué sa mort pour pouvoir épouser la reine. Élisabeth Ire envisagea sérieusement d'épouser Dudley pendant quelque temps. William Cecil, Nicholas Throckmorton et certains pairs firent connaître leur désapprobation au sujet de cette union, des rumeurs annonçaient même un soulèvement de la noblesse en cas de mariage.

 

Robert Dudley n'en resta pas moins un possible candidat pendant près d'une décennie et fut fait comte de Leicester en 1564. Élisabeth Ire était extrêmement jalouse, et quand Dudley se remaria finalement en 1578, la reine réagit par de nombreuses démonstrations d'antipathie et de haine envers sa nouvelle épouse, Lettice Knollys, la propre cousine d'Élisabeth. Dudley resta néanmoins, dans les mots de l'historienne Susan Doran, toujours « au centre de la vie sentimentale d'Élisabeth Ire ». Il mourut peu après la défaite de l'Armada espagnole. Après la mort d'Élisabeth Ire, une de ses missives fut retrouvée parmi les objets les plus personnels de la reine avec l'inscription « sa dernière lettre » écrite de sa main. Les négociations en vue d'un mariage constituaient un élément clé de la politique étrangère d'Élisabeth Ire. Elle refusa la main de Philippe II d'Espagne en 1559 et négocia pendant plusieurs années pour épouser son cousin Charles II d'Autriche-Styrie. En 1569, les relations avec les Habsbourg s'étaient détériorées, et Élisabeth Ire envisagea d'épouser un prince français de la maison de Valois, Henri d'Anjou, puis son frère François d'Anjou, de 1572 à 1581. Cette dernière union était associée à une promesse d'alliance contre l'Espagne, pour l'évincer des Pays-Bas méridionaux. Élisabeth Ire sembla prendre cette possibilité au sérieux et elle porta un temps des boucles d'oreille en forme de grenouille que le duc d'Anjou lui avait envoyées.

En 1563, Élisabeth Ire dit à un émissaire impérial : « si je suis les penchants de ma personnalité, ce serait mendiante et célibataire bien plus que reine et mariée ». Plus tard dans l'année, après que la reine eut souffert de la variole, la question de la succession devint un sujet brûlant au Parlement. Ce dernier la pressa de se marier ou de nommer un héritier, pour éviter une guerre civile à sa mort ; elle refusa les deux propositions. En 1570, les membres du gouvernement étaient devenus convaincus que jamais Élisabeth Ire ne se marierait ou ne nommerait de successeur ; elle fut accusée d'irresponsabilité. Son silence renforça néanmoins sa propre sécurité, car elle savait que si elle nommait un héritier, son trône serait vulnérable à un coup d'État ; elle se rappelait la manière dont « une seconde personne, comme je l'ai été », avait été utilisée contre ses prédécesseurs.

 

Le célibat d'Élisabeth Ire inspira un culte de la virginité. Dans la poésie et la peinture, elle était représentée comme une vierge ou une déesse et non comme une femme ordinaire. Initialement, seule Élisabeth Ire faisait de sa virginité une vertu ; en 1559, elle déclara à la Chambre des communes : « Et au final, cela me suffira qu'une plaque de marbre déclare qu'une reine, ayant régné tant de temps, vécut et mourut vierge ». Par la suite, les poètes et les écrivains reprirent ce thème et développèrent une iconographie exaltant Élisabeth Ire. Les hommages publics à la reine vierge, à partir de 1578, témoignaient secrètement de l'opposition aux négociations de mariage avec le duc d'Anjou. Élisabeth Ire insista sur le fait qu'elle était mariée à son royaume et à ses sujets sous la protection de Dieu. En 1599, elle parla de « tous mes époux, mon bon peuple ». Au début de son règne, la politique étrangère d'Élisabeth Ire envers l'Écosse visait à réduire la présence française dans le pays. Elle craignait que ces derniers n'envahissent l'Angleterre pour placer Marie Ire d'Écosse, considérée par beaucoup comme l'héritière de la couronne d'Angleterre sur le trône. Élisabeth Ire décida d'envoyer des troupes en Écosse pour soutenir les rebelles protestants, et, même si la campagne fut un échec, le traité d'Édimbourg de juillet 1560 écarta la menace française au nord. Lorsque Marie Ire retourna en Écosse en 1561, après plus d'une décennie en France, le pays, qui avait établi une Église protestante, était gouverné par un conseil de nobles protestants soutenus par Élisabeth Ire. Elle refusa de ratifier le traité.

 

En 1563, Élisabeth Ire proposa que Robert Dudley épouse Marie Ire sans en informer les deux intéressés. Ces derniers ne furent pas convaincus, et en 1565, Marie Ire épousa Henry Stuart, Lord Darnley, qui pouvait également prétendre à la couronne d'Angleterre. Cette union fut la première d'une série d'erreurs de jugement de Marie Ire, qui permit la victoire des protestants écossais et d'Élisabeth Ire. Darnley devint rapidement impopulaire, puis détesté en Écosse pour avoir commandité le meurtre du secrétaire italien de Marie Ire, David Rizzio ; en février 1567, il fut assassiné par un groupe probablement mené par James Hepburn. Peu après, le 15 mai 1567, Hepburn épousa Marie Ire, ce qui accrédita les rumeurs selon lesquelles elle aurait été complice dans le meurtre de son mari. Élisabeth Ire lui écrivit : « Quel pire choix pour votre honneur qu'en si grande hâte épouser un tel sujet, qui en plus d'autres et fameux manquements, a été publiquement accusé du meurtre de votre défunt mari dans lequel vous seriez d'ailleurs impliquée même si nous ne croyons pas à cette idée. »

Ces événements entraînèrent rapidement le renversement de Marie Ire, qui fut emprisonnée au château de Loch Leven. Les nobles écossais l'obligèrent à abdiquer en faveur de son fils Jacques né en juin 1566, et ce dernier fut emmené au château de Stirling pour être élevé dans la foi protestante. Marie s'échappa de Loch Leven en 1568, mais ses partisans furent défaits, et elle dut se réfugier en Angleterre dont on lui avait dit qu'elle pourrait compter sur le soutien de la reine. La première intention d'Élisabeth Ire était de la restaurer sur le trône d'Écosse, mais son conseil et elle décidèrent d'être plus prudents. Plutôt que de prendre le risque de ramener Marie en Écosse avec une armée anglaise ou de l'envoyer en France auprès des ennemis catholiques de l'Angleterre, ils décidèrent de la garder en prison où elle resta pendant 19 ans.

 

En 1569, un important soulèvement catholique eut lieu dans le Nord de l'Angleterre avec pour objectif de libérer Marie, de la marier à Thomas Howard et de la placer sur le trône d'Angleterre. Après leur défaite, plus de 750 rebelles furent exécutés sur ordre d'Élisabeth Ire. Croyant que le soulèvement avait réussi, le pape Pie V délivra en 1570 une bulle pontificale appelée Regnans in Excelsis qui excommuniait « Élisabeth, prétendument reine d'Angleterre et servante du crime » et délivrait tous ses sujets de leur allégeance envers elle. Les catholiques qui continuaient de lui obéir risquaient également l'excommunication. La bulle entraîna des propositions anti-catholiques au Parlement, lesquelles furent néanmoins assouplies par la reine. En 1581, convertir des sujets anglais au catholicisme avec l'intention de les libérer de leur allégeance à Élisabeth Ire devint un acte de haute trahison passible de la peine de mort. À partir des années 1570, des missionnaires catholiques du continent se rendirent secrètement en Angleterre ; beaucoup furent exécutés et cela entraîna un culte des martyrs.

 

Regnans in Excelsis donna aux catholiques anglais une forte incitation à considérer Marie Stuart comme la souveraine légitime d'Angleterre. Cette dernière n'était peut-être pas informée de tous les complots catholiques visant à l'installer sur le trône, mais, du complot de Ridolfi de 1571 (à la suite duquel Thomas Howard fut décapité) au complot de Babington de 1586, le maître-espion d'Élisabeth Ire, Francis Walsingham, et le conseil royal accumulèrent les preuves contre elle80. La reine était initialement opposée à l'exécution de Marie, mais à la fin de l'année 1586, elle fut convaincue de sa culpabilité après la découverte de lettres écrites durant le complot de Babington. La proclamation d'Élisabeth Ire indiquait que « la dite Marie, prétendante au titre de cette Couronne, a imaginé dans ce royaume divers choses visant à blesser, tuer et détruire notre royale personne ». Marie fut décapitée le 8 février 1587 au château de Fotheringhay. Après cette exécution, Élisabeth Ire affirma qu'elle ne l'avait pas ordonnée, et en effet, la plupart des rapports avancent qu'elle aurait dit à son secrétaire Davidson, qui lui avait apporté la condamnation à signer, de ne pas la transmettre. La sincérité des remords d'Élisabeth Ire et ses motivations pour avoir demandé à Davidson de ne pas appliquer le mandat d'exécution, furent débattues par ses contemporains et les historiens modernes. À la suite de la défaite de l'Armada espagnole en 1588, Élisabeth Ire affronta de nouvelles difficultés. Les combats contre l'Espagne et en Irlande se poursuivaient, et l'économie fut affectée par les mauvaises récoltes et le coût de la guerre. Les prix augmentèrent et le niveau de vie diminua. Au même moment, la répression des catholiques s'intensifia, et Élisabeth Ire autorisa en 1591 l'interrogatoire et la surveillance des propriétaires catholiques. Pour maintenir une illusion de paix et de prospérité, elle se reposa de plus en plus sur le renseignement intérieur et sur la propagande. Vers la fin de son règne, la montée des critiques refléta une baisse d'affection du public pour sa reine.

L'une des raisons de ce qui est parfois appelé le « second règne » d'Élisabeth Ire fut l'évolution du Conseil privé dans les années 1590. À l'exception de William Cecil, les hommes politiques les plus influents étaient morts vers 1590 : Robert Dudley en 1588, Francis Walsingham en 1590 et Christopher Hatton en 1591. Les luttes de clans au sein du gouvernement, qui étaient restées discrètes avant les années 1590, devenaient de plus en plus fatales. Une profonde rivalité opposait Robert Devereux à Robert Cecil, l'un des fils de William Cecil, pour les fonctions les plus importantes du pouvoir. L'autorité personnelle de la reine s'affaiblissait138, et cela fut démontré par l'affaire du docteur Lopez, son médecin personnel ; lorsqu'il fut accusé à tort de trahison par Devereux, elle ne put empêcher son exécution.

Dans les dernières années de son règne, Élisabeth Ire se reposa de plus en plus sur l'octroi de monopoles plutôt que de solliciter le Parlement pour obtenir plus de fonds en temps de guerre. Cette pratique entraîna rapidement la fixation des prix, l'enrichissement des négociants aux dépens du public et un profond mécontentemen. L'agitation gagna le Parlement en 1601142 ; dans son célèbre Golden Speech du 30 novembre 1601, Élisabeth Ire déclara son ignorance des abus et gagna les parlementaires par ses promesses et ses appels habituels aux émotions.

Cette période d'incertitudes économiques et politiques entraîna néanmoins un épanouissement littéraire sans précédent en Angleterre. Les premiers signes de ce nouveau mouvement littéraire apparurent à la fin des années 1570 avec Euphues de John Lyly et The Shepheardes Calender d'Edmund Spenser. Dans les années 1590, sous l'influence de Christopher Marlowe et de William Shakespeare, la littérature et le théâtre anglais atteignirent leur apogée. La notion d'âge d'or artistique de l'ère élisabéthaine tient essentiellement au talent des architectes, des poètes et des musiciens, et assez peu à Élisabeth Ire qui ne fut jamais une grande mécène des arts.

 

Alors qu'Élisabeth Ire vieillissait, son image évolua progressivement. Elle était représentée sous les traits de Diane et d'Astrée puis, après la défaite de l'Armada sous ceux de Gloriana, de la reine des fées éternellement jeune du poème d'Edmund Spenser. Ses portraits devinrent de moins en moins réalistes et présentaient de plus en plus de symboles lui donnant une apparence bien plus jeune. En réalité, sa peau avait été marquée par une éruption de variole, en 1562, qui l'avait laissé à moitié chauve et l'obligeait à utiliser une perruque et des cosmétiques. Walter Raleigh avança qu'elle était « une dame que le temps avait surpris ». Cependant, plus sa beauté s'effaçait, plus ses courtisans en faisaient l'éloge.

 

Élisabeth Ire était heureuse de jouer ce rôle, mais il est possible qu'elle ait commencé à croire à ses propres attraits dans la dernière décennie de sa vie. Elle se rapprocha du charmant mais irascible Robert Devereux, qui prenait des libertés vis-à-vis de son pouvoir, et elle continua de le nommer à des hautes fonctions militaires malgré son ineptie. Après la désertion de Devereux en Irlande en 1599, Élisabeth Ire le plaça en résidence surveillée ; il fut privé de ses monopoles l'année suivante. En février 1601, Devereux essaya d'organiser un soulèvement à Londres. Il chercha à enlever la reine mais rassembla peu de soutiens et fut décapité le 25 février. Élisabeth Ire savait que ses propres mauvais jugements étaient en partie responsables de ces événements. Un observateur rapporta en 1602 que « son plaisir était de s'asseoir dans le noir et parfois verser des larmes pour pleurer Devereux ». Quand le principal conseiller d'Élisabeth Ire, William Cecil, mourut le 4 août 1598, son fils Robert reprit le flambeau et devint rapidement le chef du gouvernement. L'une de ses réussites fut de préparer la voie à une succession paisible. Comme Élisabeth Ire ne nommerait jamais de successeur, Cecil fut obligé de procéder en secret et il entama une correspondance secrète avec Jacques VI d'Écosse qui pouvait prétendre au trône d'Angleterre. Cecil entraîna l'impatient Jacques VI à se faire apprécier d'Élisabeth Ire. Cela fonctionna, le ton de Jacques VI enchanta Élisabeth Ire, et selon l'historien J. E. Neale, si elle ne se prononça pas ouvertement en sa faveur, elle fit connaître son opinion par des « phrases voilées mais sans ambiguïtés ».

 

La santé de la reine resta stable jusqu'à l'automne 1602 lorsqu'une série de décès parmi ses amis la plongea dans une profonde dépression. En février 1603, la mort de Catherine Howard, sa dame de compagnie depuis 45 ans, et de la nièce de sa cousine Catherine Carey, fut un choc particulièrement dur. En mars, Élisabeth Ire tomba malade et resta dans une « mélancolie profonde et inamovible ». Elle mourut le 24 mars 1603 au palais de Richmond entre deux et trois heures du matin. Quelques heures plus tard, Cecil et le conseil mirent leurs plans en application et proclamèrent Jacques VI d'Écosse roi d'Angleterre.

Quatre chevaux avec une couverture noire tirent un cercueil où se trouve la dépouille de la reine portant une robe dorée. L'attelage est entouré de personnages portant de longs manteaux noirs à capuche qui tiennent des bannières avec les armoiries de l'Angleterre à diverses périodes

Le cercueil d'Élisabeth Ire fut transporté sur la Tamise jusqu'à Whitehall dans une barge illuminée par des torches. Lors de ses funérailles, un corbillard tiré par quatre chevaux portant des couvertures de velours noir amena la dépouille dans l'abbaye de Westminster. Selon le chroniqueur John Stow « Westminster était encombrée de toutes sortes de personnes dans les rues, les maisons, aux fenêtres et dans les caniveaux venus voir les obsèques et lorsqu'ils virent sa statue sur son cercueil, il y eut des soupirs, des gémissements et des pleurs généralisés comme on n'en avait jamais vu de mémoire d'homme ».

 

Élisabeth Ire fut inhumée dans l'abbaye de Westminster dans une tombe commune à celle de sa demi-sœur Marie Ire. L'inscription latine sur la sépulture Regno consortes & urna, hic obdormimus Elizabetha et Maria sorores, in spe resurrectionis signifie « Consorts sur le trône et dans la tombe, ici nous dormons, Élisabeth et Marie, sœurs, dans l'espoir de la résurrection160 ». Élisabeth Ire fut pleurée par beaucoup de ses sujets, mais d'autres furent soulagés par sa mort161. Le roi Jacques Ier était porteur de beaucoup d'espoirs, mais sa popularité diminua, et les années 1620 virent l'apparition d'une nostalgie du règne d'Élisabeth Ire présentée comme une héroïne de la cause protestante durant un âge d'or, à l'opposé de son successeur considéré comme un sympathisant catholique à la tête d'une cour corrompue. L'image triomphaliste qu'Élisabeth Ire avait cultivée à la fin de son règne sur fond de luttes factieuses et de difficultés militaires économiques164 fut prise pour argent comptant et sa réputation s'accrut. Son règne fut idéalisé comme une période où la Couronne, le Parlement et l'Église travaillaient de concert.

Cette image fabriquée par ses admirateurs protestants au début du XVIIe siècle a été durable et influente. Sa mémoire fut rappelée durant les guerres napoléoniennes lorsque la Grande-Bretagne menaçait d'être envahie. Durant l'époque victorienne, la légende élisabéthaine fut adaptée à l'idéologie impériale de la période, et dans la première moitié du XXe siècle, Élisabeth Ire était un symbole romantique de la résistance nationale face à la menace étrangère. Les historiens de la période, comme John Ernest Neale (1934) et Alfred Leslie Rowse (1950), interprétèrent le règne d'Élisabeth Ire comme un âge d'or et idéalisèrent la personnalité de la reine : tous ses actes étaient justes et ses caractéristiques les moins appréciables étaient ignorées ou expliquées par la pression qu'exerçait sur elle le pouvoir1.

 

Les historiens récents ont cependant adopté une approche plus nuancée de la souveraine. Son règne est célèbre pour la défaite de l'Armada et pour les raids réussis contre les Espagnols comme ceux de Cadix en 1587 et 1596, mais certains historiens rappellent les échecs militaires sur terre et sur mer. En Irlande, les forces royales furent finalement victorieuses, mais leurs tactiques salirent la réputation de la reine. Plutôt que la championne courageuse des nations protestantes contre l'Espagne et les Habsbourg, elle est plus souvent considérée comme prudente dans ses relations diplomatiques. Elle offrit très peu de soutiens aux protestants étrangers et délaissa fréquemment ses commandants outre-mer.

Élisabeth Ire établit une Église d'Angleterre qui aida à forger une identité nationale et existe encore aujourd'hui. Ceux qui la présentèrent par la suite comme une héroïne protestante oublièrent son refus d'abandonner toutes les pratiques d'origine catholique au sein de l'Église d'Angleterre. Les historiens notent qu'en son temps les protestants considéraient le Règlement élisabéthain comme un compromis.

 

Même si Élisabeth Ire mena une politique étrangère largement défensive, le statut de l'Angleterre s'affirma durant son règne. Le pape Sixte V écrivit : « Elle n'est qu'une femme, maîtresse de seulement la moitié d'une île et elle est pourtant crainte par l'Espagne, la France, par le Saint-Empire, par tous ». Élisabeth Ire fut la première Tudor à reconnaître qu'un monarque gouverne par l'approbation du peuple. Par conséquent, elle travailla toujours avec le Parlement et des conseillers dont elle savait qu'ils lui diraient la vérité, une forme de gouvernance que ses successeurs Stuart ne parvinrent pas à suivre. Certains historiens ont considéré qu'elle avait eu de la chance. Se félicitant de n'être qu'une « simple anglaise », Élisabeth Ire croyait que Dieu la protégeait et que le succès de son règne reposait sur l'amour de ses sujets. Dans l'une de ses prières, elle remercia Dieu que :

« [Dans une période] où les guerres et les révoltes avec de cruelles persécutions ont affecté presque tous les rois et pays autour de moi, mon règne a été paisible et mon royaume un réceptacle pour cette Église affligée. L'amour de mon peuple a été ferme et les désirs de mes ennemis contrariés. »

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