Guillaume le Conquérant
Guillaume le Conquérant (en ancien normand Williame le Conquereor, en anglais William the Conqueror), roi d'Angleterre sous le nom de Guillaume Ier, duc de Normandie sous le nom de Guillaume II, appelé également Guillaume le Bâtard, né à Falaise en 1027 ou 1028 et mort à Rouen le 9 septembre 1087, fut roi d'Angleterre de 1066 jusqu'à sa mort en 1087 et duc de Normandie de 1035 à sa mort.
Fils de Robert le Magnifique et de sa frilla Arlette de Falaise (Herleva). À la mort de son père, Guillaume devient duc de Normandie vers huit ans. Après une période de forte instabilité, il parvient à reprendre la domination du duché à partir de la bataille du Val-ès-Dunes, en 1047. Il épouse Mathilde de Flandre vers 1050, et fait de la Normandie un duché puissant, craint du roi de France, Henri Ier (1031-1060) puis Philippe Ier (1060-1108).
À la suite de la mort du roi Édouard le Confesseur, il profite d'une crise de succession pour s’emparer de la couronne d’Angleterre après sa victoire à la bataille d'Hastings, en 1066. Cette conquête fait de lui l’un des plus puissants monarques de l’Europe occidentale et conduit à de très profonds changements dans la société anglaise, dont l'élite anglo-saxonne disparaît au profit des seigneurs normands.
Dès lors, il passe la suite de son règne à se défendre face à ses nombreux ennemis, que ce soit en Angleterre (les rebelles anglo-saxons rassemblés derrière Edgar Atheling, les Danois et les Écossais) ou sur le continent (le comte d'Anjou Foulques le Réchin, le comte de Flandre Robert Ier, mais surtout le roi de France Philippe Ier). Il meurt à Rouen en 1087 après la mise à sac de Mantes, au cours d'une campagne de représailles dans le Vexin français contre le roi Philippe Ier. Il est inhumé à l'abbaye aux Hommes de Caen. Robert le Magnifique devient duc de Normandie le 6 août 1027, à la mort de son grand frère Richard III, âgé seulement de 20 ans. Ce dernier succède à leur père Richard II, mort un an plus tôt. Cet épisode avait été l'occasion d'une rébellion de Robert, vite réprimée par l'armée ducaleb. La mort brutale et mystérieuse de Richard III profite à Robert, accusé plus tard par des écrivains comme Wace d'avoir fait empoisonner son frère. Richard laisse un jeune fils bâtard, Nicolas, écarté de la courd.
Le duc Robert doit rapidement affronter des rébellions contre le pouvoir ducal : Guillaume Ier de Bellême est alors assiégé à Alençon1, puis l'évêque Hugues de Bayeux chassé de son château d'Ivry-la-Bataille. Comte d'Évreux et archevêque de Rouen, Robert le Danois s'oppose au duc Robert (par ailleurs son neveu) qui, au début de son principat, enlève des terres aux abbayes et grandes églises, pour les distribuer à de jeunes nobles, tel Roger Ier de Montgommery, pour les récompenser à moindre frais.
Le duc Robert part en 1028 mener le siège d'Évreux. Après avoir mis en défense la cité, l'archevêque Robert le Danois négocie son exil en France auprès du roi de France, Robert le Pieux, d'où il lance l'anathème sur la Normandie. La sanction ecclésiastique fait sentir son effet : le duc Robert le Magnifique rappelle l’archevêque Robert le Danois et le rétablit dans ses charges comtales et archiépiscopales.
Enfin, le duc Alain III de Bretagne, fils d'Havoise de Normandie et de Geoffroi Ier de Bretagne, devenu adulte, refuse à son tour l'allégeance à Robert le Magnifique. Vers 1030, Robert envoie sa flotte ravager les environs de Dol. Alain riposte en envahissant l'Avranchin mais les Normands Alfred le Géant et Néel II de Saint-Sauveur écrasent bientôt les Bretons. Par l'intermédiaire de l'archevêque Robert le Danois, le duc de Bretagne se réconcilie avec Robert le Magnifique et se reconnait son vassal. Robert le Danois devient par la suite un homme fort du duché, autour duquel se rejoignent un certain nombre de nobles comme Osbern de Crépon, sénéchal du duc, et Gilbert de Brionned . Guillaume naît en 1027 ou 1028 à Falaise, en Normandie, probablement en automne, non pas au château de Falaise, mais au domicile de sa mère Arlette, vraisemblablement dans le « bourg » de Falaise. La date du 14 octobre 1024, fréquemment rencontrée, est probablement fausse : on la doit à Thomas Roscoe, qui l'indique dans la biographie de Guillaume qu'il écrit en 1846, à partir de la prétendue confession de Guillaume à Orderic Vital sur son lit de mort, la date et le mois étant copiés de ceux de la bataille d'Hastings. La date de naissance exacte est l'objet d'écrits contradictoires : Orderic Vital affirme que Guillaume aurait indiqué avoir 64 ans à sa mort, ce qui date sa naissance à l'année 1023. Mais le même auteur, par ailleurs, précise que Guillaume a huit ans quand son père part pour Jérusalem en 1035, ce qui déplacerait son année de naissance à 1027. De son côté, Guillaume de Malmesbury affirme que Guillaume a sept ans au départ de son père, soit une naissance en 1028. Enfin, dans De obitu Willelmi, il est dit que Guillaume n'a que 59 ans à sa mort, ce qui donnerait une naissance en 1028 ou 1029.
D'après David Bates, ancien directeur de l'Institute of Research de Londres, les historiens, en particulier français, appliquent ce surnom de « bâtard », mais il a rarement été appelé ainsi de son vivant et jamais en Normandie, et l'origine de ce surnom vient d'Orderic Vital, moine historien du XIIe siècle, qui fait de la bâtardise de Guillaume le facteur explicatif de tous les désordres et révoltes qui ont lieu pendant son règne.
Guillaume est le seul fils de Robert le Magnifique Ier de Normandie. Sa mère Arlette est la fille de Fulbert de Falaise, un préparateur mortuaire ou un marchand de peaux de la ville. La nature de la relation entre Arlette et le duc Robert est incertaine : simple concubinage ou union more danico. À une date incertaine (avant 1035 ?), Arlette sera mariée avec Herluin de Conteville avec qui elle aura deux fils : Odon de Bayeux et Robert de Mortain. Guillaume a une sœur, Adélaïde de Normandie née en 1026, dont on ne sait avec exactitude si elle est la fille de Robert et/ou d'Arlette. Enfin Arlette a deux frères, Osbern et Gautier ; ce dernier est l'un des protecteurs de Guillaume pendant son enfance.
En 1034, le duc décide de partir en pèlerinage à Jerusalem, bien que ses partisans tentent de l'en dissuader, arguant qu'il n'a pas d'héritier en âge de régner. Avant son départ, Robert réunit alors un conseil des puissants normands pour leur faire jurer fidélité à Guillaume, son héritier. Robert meurt en juillet 1035 à Nicée, sur la route du retour. Guillaume devient alors duc de Normandie.
L'autorité du nouveau duc est d’autant plus fragile que Guillaume n’a que sept ou huit ans. Le duché de Normandie traverse en conséquence une décennie de troubles alimentés par la mort de son grand-oncle l'archevêque Robert le Danois, son premier et puissant protecteur, en mars 1037. Des guerres éclatent entre les principales familles baronniales ; des châteaux se dressent dans le duché.
Des complots frappent jusqu’à l’entourage ducal et Guillaume perd plusieurs de ses tuteurs ou protecteurs par assassinat : Alain III de Bretagne, qui s'était proclamé protecteur de Guillaume mais revendiquait le duché pour lui-même en tant que petit-fils du duc Richard Ier, meurt à Vimoutiers en octobre 1040 ; Gilbert de Brionne, nommé par la suite tuteur de Guillaume, est assassiné quelques mois plus tard sur l'instigation de Raoul de Gacé ; Turquetil de Neuf-Marché est assassiné vers fin 1040-début 1041 et enfin le sénéchal Osbern de Crépon, tué dans la chambre même du duc par le fils de Roger Ier de Montgommery. Les descendants des anciens ducs, les Richardides, semblent impliqués dans ces meurtres. Walter, oncle de Guillaume par sa mère, doit parfois cacher le jeune duc chez des paysans. Aux troubles de la minorité de Guillaume vient s’ajouter le fléau de la famine, qui pèse sept ans sur la Normandie. Elle est accompagnée d’une épidémie fort meurtrière.
Bien que de nombreux nobles normands soient engagés dans des querelles locales, les principaux seigneurs et l’Église restent fidèles au pouvoir ducal, ainsi que le roi Henri Ier de France.
Les proches amis de Guillaume, qui sont presque tous ses parents à des degrés divers, décident de le faire vivre dans la clandestinité et le faire changer de gîte chaque nuit. En 1046, Guillaume a environ dix-neuf ans. Un complot vise cette fois sa personne jusqu’alors épargnée. Une partie des seigneurs forment une coalition pour l'écarter au profit de Gui de Brionne (v. 1025-1069), un cousin de Guillaume, fils de Renaud Ier de Bourgogne et d’Adélaïde, fille de Richard II. Cette rébellion rassemble essentiellement de « vieux Normands » de l’Ouest (Bessin, Cotentin, Cinglais) traditionnellement indociles et hostiles à la politique d’assimilation menée par les ducs. Gollet, le fidèle bouffon de Guillaume, surprend les propos des conjurés réunis à Bayeux et prévient son maître qui dort à Valognes. Guillaume échappe ainsi de peu à une tentative d’assassinat par les séides de Néel de Saint-Sauveur. Il s'enfuit dans la nuit, puis est accueilli par Hubert de Ryes qui le fait escorter en sécurité jusqu'à Falaise. Cette fuite de Valognes, relatée par les chroniqueurs comme une chevauchée seul et sans escorte, forge en partie le mythe de Guillaume, jeune homme courageux, bâtard et solitaire. Avec l'aide du roi de France Henri Ier, le jeune duc part en campagne contre les rebelles normands, qu’il parvient à défaire à la bataille du Val-ès-Dunes, près de Caen, en 1047, entre autres grâce au ralliement de toute dernière minute d'un des seigneurs rebelles, Raoul Tesson. Au milieu du XIe siècle, l’Angleterre est dirigée par le roi normanophile Édouard le Confesseur. Ce dernier avait trouvé refuge à la cour normande en 1013, lorsque son père Æthelred le Malavisé et sa mère Emma de Normandie, grand-tante paternelle de Guillaume, avaient été chassés du trône d’Angleterre par Sven Ier de Danemark. Il y était resté presque trente ans avant de revenir en Angleterre pour y être couronné roi en 1042. Dans son nouveau royaume, Édouard s’entoure de Normands, mais il n’a pas de descendance.
Il semble qu’en 1051 ou 1052, le roi Édouard le Confesseur aurait encouragé les vues de Guillaume sur sa succession. Le manuscrit D de la Chronique anglo-saxonne indique que Guillaume visite l'Angleterre à la fin de l'année 1051. Cette visite aurait pour but de sécuriser la succession d'Édouard le Confesseur, ou bien d'obtenir une assistance face aux troubles qu'il rencontre alors en Normandie. Ce voyage aurait alors eu lieu pendant la brève période d'exil de Godwin de Wessex, dont la famille est alors la plus puissante d'Angleterre et dont la fille Édith est mariée à Édouard le Confesseur depuis 1043. L'existence de ce voyage paraît cependant incertaine étant donné les affrontements en cours à cette époque avec le comte d'Anjou. Opposé à la nomination en 1051 du Normand Robert de Jumièges, un vieil ami du roi, comme archevêque de Cantorbéry (le plus haut poste du clergé primat de toute l'Angleterre), Godwin obtient à son retour d'exil en 1052 son remplacement par Stigand, l'évêque de Winchester. À l'inverse, selon Guillaume de Jumièges et Guillaume de Poitiers, Édouard le Confesseur envoie Robert de Jumièges auprès du duc pour l’avertir qu’il en fait son héritier, mais cela n'est pas confirmé par les auteurs anglais. Il semble enfin qu'Édouard le Confesseur, souverain affaibli, ait fait des promesses identiques à d'autres grands féodaux voisins, de manière à s'assurer de leur neutralité faute de pouvoir les contenir par la force.
Quand Godwin de Wessex meurt en 1053, ses fils gagnent en influence : Harold Godwinson (qui deviendra Harold II d'Angleterre) lui succède comme comte d'Essex et Tostig comme comte de Northumbrie, Gyrth devient Comte d'Est-Anglie en 1057 et Leofwine comte de Kent. Outre la famille d'Essex, un autre prétendant à la succession d'Édouard le Confesseur apparaît : Édouard l'Exilé, fils du roi Edmond Côte-de-Fer et petit-fils d'Æthelred le Malavisé. Envoyé en exil à la mort de son père en 1016, alors qu'il n'a que six ans, il est rappelé auprès d'Édouard en 1057 avec sa famille (ses filles Marguerite et Christine, son fils Edgar Atheling), mais meurt quelques semaines seulement après son retour.
Le sujet de la succession revient au premier plan quand Harold, partant d'Angleterre, se rend en Normandie en 1064. Les circonstances de cette visite restent incertaines. La Tapisserie de Bayeux, dont on peut soupçonner la partialité, montre Harold prêter serment de fidélité à Guillaume et renoncer à la succession au trône anglais au profit du duc de Normandie. Guillaume aurait extorqué cette promesse à Harold alors que, jeté par une tempête sur la côte française au printemps 1064, il avait été fait prisonnier par le comte Guy Ier de Ponthieu, puis libéré sur la pression du duc. Lors de ce séjour en Normandie, Harold aurait participé aux côtés de Guillaume à la campagne menée contre le duc Conan II de Bretagne, où il s’illustre par sa bravoure. De retour à Bayeux, Harold aurait prêté serment à Guillaume se mettant ainsi officiellement au service du duc de Normandie. En gage d’amitié, Harold regagne l’Angleterre en emmenant avec lui son neveu Hakon, retenu en otage en Normandie depuis 1051. Cependant, aucune source anglaise ne confirme ce voyage, qui pourrait avoir été inventé par les Normands pour justifier les prétentions de Guillaume.
En 1065, la Northumbrie se révolte contre Tostig, qui n'est pas soutenu par son frère Harold. Il est remplacé par Morcar, frère d'Edwin, comte de Mercie, dont Harold cherche le soutien. Contraint à l'exil, Tostig part en Flandre, dont est issue sa femme Judith, puis rejoint le duc Guillaume en Normandie, auquel il apporte à son tour son soutien. Édouard le Confesseur meurt finalement le 5 janvier 1066. Selon la Vita Ædwardi Regis, écrite en 1067 sous la direction de sa femme Édith, il est entouré d’Édith, de Stigand, de Robert FitzWimarc et d'Harold, que le roi nomme comme son successeur. Son couronnement, approuvé par le Witenagemot (ou Witan), se fait dès le 6 janvier 1066.
Face aux protestations du duc de Normandie, Harold oppose qu'il a été trompé sur la valeur du serment de Bayeux, qui n'aurait été qu'une vague promesse sur un simple missel posé sur un coffre qui masquait les reliques d'un saint. Guillaume considère qu'il s'agit d'un crime de parjure et se prépare à une invasion du royaume anglo-saxon. Apprenant que Harold est monté sur le trône, Guillaume convoque les principaux barons normands et les convainc de se lancer à la conquête du royaume, avec l’aide du pape Alexandre II qui menace les rétifs d’excommunication et lui envoie un étendard pontifical. En moins de dix mois, il rassemble dans l’estuaire de la Dives une flotte d’invasion d’environ 600 navires et une armée estimée à 7 000 hommes. On trouve parmi eux des Normands bien sûr : Bertrand de Bricquebec, Robert de Brix, Roger de Carteret, Anquetil de Cherbourg, L'Estourmy de Valognes, Eudes au Capel de la Haye-du-Puits, le sire d'Orglandes, les frères de Pierrepont, le chevalier de Pirou, Raoul de Tourlaville, Pierre de Valognes, Guillaume de Vauville, Raoul de Vesly, mais aussi des Bretons, des Flamands, des Manceaux, des Boulonnais. Du fait de son soutien à Riwallon de Dol quelques années plus tôt, Guillaume le Conquérant n'a notamment aucun mal à attirer les vassaux de Bretagne dans son projet de conquête.
Les préparatifs comprennent également d’importantes négociations diplomatiques. Il s’agit de se trouver d’abord des alliés et d’éviter que les principautés voisines (Bretagne, Flandre, Anjou, etc.) ne profitent de la campagne pour s’emparer de la Normandie. Guillaume désigne de grands vassaux. Son épouse, Mathilde de Flandre, est régente du duché durant cette période, assistée de Roger de Beaumont et Roger II de Montgomery.
Beaucoup de soldats dans son armée sont des puînés auxquels le droit d’aînesse laisse peu de chance d’hériter d’un fief. Guillaume leur promet, s’ils se joignent à lui en apportant leur propre cheval, une armure et des armes, qu’il les récompensera avec des terres et des titres dans son nouveau royaume.
Retardée quelques semaines par des vents défavorables et des conditions météorologiques contraires, l’armée normande attend dans la baie de Saint-Valery-sur-Somme le moment propice pour embarquer, tandis que le nord de l’Angleterre est envahi en septembre par le roi norvégien Harald Hardraada, qu'a rejoint Tostig. Il trouve des alliés de circonstance (Morcar de Northumbrie, les Écossais, etc.) et conquiert York le 20 septembre. Harold II d'Angleterre, dont les forces sont réunies à la va-vite, marche vers le nord et, le 25 septembre, surprend les Vikings à Stamford Bridge. La bataille est sanglante, elle s'achève sur une victoire pour le roi anglo-saxon, le roi norvégien et Tostig sont tués avec la majorité de leur troupe. Cette défaite met fin à l'ère viking en Angleterre.
Poussée par un vent enfin favorable, l’armada normande débarque le 28 septembre 1066 dans la baie de Pevensey, dans le Sussex de l'Est, quelques jours à peine après la victoire d’Harold sur les Norvégiens. Cette conjonction s’avère cruciale : l'armée d'Harold, épuisée par les combats contre Harald, doit traverser à marche forcée toute l'Angleterre et se battre contre un ennemi reposé et qui a eu le temps de se retrancher. Guillaume prend pour base la bourgade de Hastings où il met sur pied un château de terre et de bois. Le choix du Sussex comme lieu de débarquement est une provocation pour Harold dont cette région est le domaine personnel.
Le 14 octobre au matin, la bataille d'Hastings s'engage : elle dure toute une journée, une durée exceptionnelle pour l'époque. Après un duel d'archers qui ne permet pas de départager les armées, des soldats normands partent à l'assaut à pied, suivis par la cavalerie. Les Saxons tiennent bon et les Normands doivent se replier. Alors que les Normands sont proches de la débandade et que la rumeur de la mort du duc se propage, Guillaume (dont le cheval avait été tué par un javelot) doit enlever son casque pour se faire reconnaître. À l'aile gauche, l'armée bretonne est submergée par une contre-attaque saxonne, qui nécessite le secours de la cavalerie de Guillaume. À la fin de ce premier assaut, les pertes sont grandes de part et d'autre et Harold a perdu ses deux frères Gyrth et Leofwine. Après un nouvel assaut infructueux, les Normands font mine de reculer : les Saxons qui quittent leurs rangs sont massacrés par la cavalerie normande. La manœuvre est répétée, sans faire faiblir les troupes d'élites saxonnes. Un deuxième assaut des archers normands touche notamment Harold à l'œil. Guillaume envoie alors la cavalerie. D'après le récit de la tapisserie de Bayeux, quatre hommes de confiance (Eustache II de Boulogne, Hugues II de Montfort, Hugues de Ponthieu, fils de Hugues II de Ponthieu, et Gautier Giffard) se détachent pour atteindre Harold, qui tombe sous leurs coups. Sans chef, l'armée anglo-saxonne est mise en déroute.
Malgré la défaite, les Anglais ne capitulent pas. Au contraire, le clergé et certains seigneurs nomment le jeune Edgar Ætheling comme le nouveau roi. Guillaume doit poursuivre sa conquête armée ; il sécurise Douvres et une partie du Kent, prend Cantorbéry et Winchester, où se trouve le trésor royal. Ses arrières étant alors assurés, Guillaume part vers le Southwark, rejoint la Tamise fin novembre. Les Normands encerclent Londres par le sud et l'ouest, brûlant tout sur leur passage. Ils traversent la Tamise à Wallingford début décembre, où l'archevêque Stigand se soumet, bientôt suivi par Edgar, Morcar, Edwin et l'archevêque Ealdred, alors que Guillaume prend Berkhamsted. Sans résistance, il rentre dans Londres, où il lance immédiatement la construction d’un nouveau château (qui deviendra la Tour de Londres), et reçoit la couronne anglo-saxonne le 25 décembre 1066 dans l’abbaye de Westminster. Guillaume reste en Angleterre après son couronnement afin d'asseoir son pouvoir et de s'assurer le support des seigneurs locaux. Edwin de Mercie, Morcar de Northumbrie et Waltheof de Northumbrie conservent leurs terres et leur titre. Un mariage avec une fille de Guillaume est promis à Edwin. Des terres sont données également à Edgar Ætheling et le clergé n'est pas changé, y compris Stigand qui est pourtant en opposition avec le pape. D'autres, qui ont combattu à Hastings, se voient confisquer leurs terres, notamment Harold et ses frères tués. En mars, Guillaume peut retourner en Normandie, accompagné de Stigand, Morcar, Edwin, Edgar et Waltheof, en position d’otages. Il confie à son demi-frère Odon de Bayeux, et à Guillaume Fitz Osbern, le fils de l'ancien protecteur du jeune duc Osbern de Crépon, la gestion du royaume46. Ces deux fidèles ont joué un rôle décisif dans la conquête du pays, aussi bien lors des préparatifs que lors des combats. Guillaume Fitz Osbern reçoit en récompense de vastes territoires (île de Wight, les domaines royaux du Herefordshire et du Gloucestershire et de nombreuses seigneuries à travers le pays), ainsi que le titre de comte. Odon est lui fait comte de Kent, nommé responsable de Douvres et de son château, et remplace Léofwine Godwinson dans la plupart de ses possessions. Ses vastes terres à travers l’Angleterre lui rapportent, d'après le Domesday Book en 1086, plus de 3 240 £ par an, ce qui en fait le plus riche des seigneurs (tenants-in-chief, « seigneurs concédants ») du royaume.
Le duc compte sur eux pour dominer une Angleterre rebelle à l'autorité des nouveaux occupants. Par leur refus de rendre justice aux Anglais opprimés par les officiers normands, ils incitent cependant à des révoltes difficiles à réprimer. Les premiers actes de résistance apparaissent en Angleterre : Eadric le Sauvage attaque Hereford et des révoltes éclatent à Exeter, où se trouve Gytha de Wessex, la mère d'Harold53. FitzOsbern et Odon peinent à contrôler la population et lancent en réaction un programme de construction de châteaux-forts à travers le royaume, à partir desquels d'autres Normands pacifient la région environnante. Par ailleurs, Eustache de Boulogne, allié de Guillaume lors de la bataille d'Hastings, tente de prendre le château de Douvres mais est repoussé. Il doit alors abandonner ses terres anglaises avant de se réconcilier avec Guillaume quelque temps plus tard. Enfin les fils d'Harold lancent un raid depuis l'Irlande dans le Sud-Ouest du pays, près de Bristol. Ils sont défaits finalement par Eadnoth the Constable en 1068.
Guillaume fait son retour en Angleterre en décembre 1067. Il marche sur Exeter, qu'il fait tomber après un siège. À Pâques, Guillaume est à Winchester, où il est rejoint par Mathilde, à son tour couronnée reine en mai 1068. En 1066, Guillaume le Conquérant a bénéficié d'une heureuse conjoncture politique et diplomatique qui lui a permis de conquérir l'Angleterre sans être menacé ou attaqué sur ses arrières. Cette situation exceptionnelle change après son retour en Normandie en mars 1067. Durant les vingt dernières années de son règne, Guillaume doit faire face à plusieurs révoltes intérieures et au réveil des principautés voisines. Ses difficultés sont augmentées du fait de l'extension de son territoire : il ne peut pas intervenir partout, directement et rapidement.
D'abord, l'Angleterre ne se soumet pas facilement : malgré la répression sévère consécutive aux révoltes de 1067 et 1069, Guillaume doit intervenir à nouveau dès 1070 au nord du royaume pour faire face aux raids danois et à des nouvelles rébellions. Alors que Sven II de Danemark avait promis à Guillaume de quitter l'île, il revient au printemps 1070, s'allie avec Hereward l'Exilé et mène des raids contre le Humber et l'Est-Anglie depuis l'Isle of Eley, dont la situation stratégique confère un rôle de refuge aux rebelles anglais. L'armée d'Hereward attaque notamment la cathédrale de Peterborough qui est saccagée. Guillaume parvient cependant à s'assurer le départ de Sweyn sans avoir à l'affronter.
Sur le continent, Guillaume subit plusieurs échecs : la Flandre plonge dans une crise de succession après la mort du comte Baudouin VI en juillet 1070 et, malgré une intervention militaire, le duc de Normandie ne parvient pas à imposer le parti de la veuve, Richilde, sa belle-sœur face à celui de Robert, le frère de Baudoin. Guillaume Fitz Osbern, revenu début 1071 en Normandie pour assister la reine Mathilde, est tué en février 1071 à la bataille de Cassel, alors qu'il mène une petite force pour aider Arnoul III, l'héritier mineur du comté de Flandre, aux côtés de l'armée française contre son oncle Robert. Guillaume le Conquérant perd l'un de ses meilleurs barons mais aussi, selon l'historien François Neveux, son plus fidèle et loyal collaborateur49. Selon Guillaume de Malmesbury, un mariage est alors planifié entre ce dernier et Richilde de Hainaut. La victoire de Robert à Cassel renverse les rapports de domination dans le nord de la France.
En 1071, Guillaume écrase une rébellion au nord de l'Angleterre : le comte Edwin est trahi par ses propres hommes et tué, tandis que l'île est prise par Guillaume après un combat acharné. Hereward parvient à s'échapper mais Morcar est capturé et destitué. L'année suivante, Guillaume envahit l'Écosse, en réaction à l'attaque de Malcolm III sur le nord du royaume. Les deux hommes signent la paix avec le traité d'Abernethy, le fils aîné de Malcolm Duncan II rejoignant la cour de Guillaume comme garantie. Edgar Ætheling doit également quitter la cour de Malcolm, mais ce dernier trouve refuge à la cour du nouveau comte de Flandre...
Guillaume peut traiter les affaires du duché. Bien que nominalement possédé par le fils du Conquérant, le Maine se détache en effet de l'influence normande. Menés par Hubert de Sainte-Suzanne, les habitants du Mans se révoltent en 1069. Si après une brève campagne militaire Guillaume réoccupe la région à son retour en 1073, la situation ne se calme que temporairement. Derrière les difficultés du duc-roi dans le Maine et en Bretagne, se cachent les agissements de ses deux principaux ennemis, à savoir le comte d'Anjou Foulque le Réchin et le roi de France Philippe Ier. Ils soutiennent tous les révoltés contre le Normand. Tout un symbole, Robert de Flandres marie sa demi-sœur Berthe au roi de France en 1072.
Guillaume doit passer toute son année 1074 en Normandie, et confie l'Angleterre, qu'il considère comme pacifiée, à quelques fidèles, parmi lesquels Richard Fitz Gilbert (ou Richard de Bienfaite), Guillaume Ier de Warenne et Lanfranc. Edgar Ætheling en profite pour faire son retour en Écosse, d'où il répond à la proposition du roi de France Philippe Ier de se voir confier le château du port de Montreuil, d'où il pourrait profiter d'une position menaçante sur le territoire de Guillaume. Las, sa flotte est projetée sur les côtes anglaises par une tempête : ses hommes sont en grande partie capturés mais il parvient à retrouver l'Écosse. Il se convainc alors d'abandonner ses ambitions sur le trône d'Angleterre et de faire la paix avec Guillaume, dont il intègre la cour. Pour autant, Guillaume n'en a pas fini avec l'Angleterre, puisque dès l'année suivante, une nouvelle rébellion éclate. Les raisons de cette révolte sont obscures. La conspiration débute à l'occasion du mariage de Ralph de Gaël (aussi connu comme Raoul de Gaël), un comte anglo-breton, et d'Emma, fille de Guillaume Fitz Osbern. Ralph convainc son nouveau beau-frère Roger de Breteuil, 2e comte d'Hereford, de s'associer à lui. La conspiration se renforce quand Waltheof, comte de Huntingdon et de Northumbrie, neveu par alliance du Conquérant, la rejoint, de façon plus ou moins volontaire.
Membre influent dans la communauté des Bretons venus avec le Conquérant en 1066, Ralph obtient facilement leur soutien dans sa rébellion ; il demande par ailleurs l'aide des Danois, en vain. Pendant qu'il organise sa révolte en Angleterre, ses alliés en Bretagne se préparent à se révolter contre Hoël II de Bretagne et attaquer la Normandie. Mais finalement Waltheof se décourage et confesse la conspiration à Lanfranc, administrateur du royaume en l'absence de Guillaume. La rébellion débute, mais elle est réprimée rapidement sans grands combats : les Anglo-Saxons Wulfstan, évêque de Worcester, et Æthelwig, abbé d'Evesham, aidés par les barons normands Urse d'Abbetot et Gautier de Lacy, contiennent dans le Herefordshire Roger de Breteuil, qui ne peut joindre ses forces à celle de Ralph de Gaël. Au même moment, Guillaume de Warenne et Richard de Bienfaite, que le roi a établi comme Chief Justiciars pendant son absence, ainsi que les évêques guerriers Odon de Bayeux et Geoffroy de Montbray barrent la route de Ralph de Gaël dans le Cambridgeshired .
Ralph se replie vers Norwich, les forces royales à ses trousses. Laissant sa femme défendre le château de Norwich, il retourne en Bretagne. La comtesse est assiégée dans son château jusqu'à obtenir un sauf-conduit pour elle et ses partisans. Leurs terres sont confisquées, et il leur est laissé 40 jours pour quitter le royaume. Ralph de Gaël est dépouillé de ses terres anglaises et de son titre de comte. Roger de Breteuil est arrêté à son tour, dépossédé, et condamné à la prison à vie. Waltheof, revenu en Angleterre avec Guillaume, est finalement arrêté et bientôt condamné à mort, malgré l'opposition de Lanfranc et d'autres (Waltheof n'aurait été qu'un comparse involontaire, qui de plus avait révélé l'intrigue). Le roi ne change pas d'avis, probablement encouragé par sa nièce Judith , qui a témoigné contre son mari : Waltheof est décapité le 31 mai 1076, près de Winchester. Il est le dernier comte anglo-saxon d'Angleterre.
Rentré en Bretagne et allié à Geoffroy Granon, Ralph de Gaël continue sa rébellion depuis son fief de Gaël, à la fois contre le Conquérant et contre Hoël II, le duc de Bretagne. En septembre 1076, Guillaume l'assiège dans le château de Dol, à proximité du duché de Normandie, en vain. Le roi de France Philippe Ier, voyant là une opportunité à saisir pour affaiblir Guillaume, vient à la rescousse de Dol avec succès. Le Conquérant doit lever le siège et s'enfuir rapidement, ses pertes en hommes et en matériel sont très lourdes. La défaite de Guillaume à Dol est le premier revers sérieux qu'il subit sur le continent : elle écorne sa réputation, et ses adversaires se voient donner l'opportunité de pousser plus loin leur avantage. Ralph de Gaël reste un seigneur puissant et bien établi. Fin 1076, Jean de la Flèche, l'un des plus fervents soutiens de Guillaume le Conquérant dans le Maine est attaqué par Foulque le Réchin, le comte d'Anjou. Guillaume doit venir à son secours. En 1077, Simon de Crépy, comte d'Amiens, de Vexin et de Valois, se retire au monastère de Condat. Philippe Ier consolide sa position dans le Vexin français sans sérieuse opposition, en face du duché. Guillaume et le roi Philippe Ier ratifient la paix entre eux, l’Epte étant rappelée comme frontière entre la France et la Normandie. De même, une paix est signée avec Foulques d'Anjou avant début 1078.
Le roi Philippe Ier espère par tous les moyens rabaisser la trop grande puissance normande. Le règne de Guillaume marque d'ailleurs le début d'une guerre récurrente entre roi d'Angleterre et roi de France.
Guillaume voit son fils aîné Robert, dit Courteheuse, entrer à son tour en rébellion. Intronisé comte du Maine par son père en 1063, alors qu'il n'a qu'une douzaine d'années, et reconnu officiellement par Guillaume comme son héritier, Robert n'a cependant pas de pouvoir. Quand Guillaume reconquiert le Maine en 1073, Robert ne fait pas partie de l'expédition. Le chroniqueur Orderic Vital décrit une dispute opposant Robert à ses deux frères plus jeunes Guillaume le Roux et Henri, qui aurait décidé l'aîné de quitter la Normandie en secret dès le lendemain. Il semble que Robert ne supportait plus que son père ne lui confiât aucun territoire, l'empêchant ainsi de subvenir lui-même à ses besoins financiers. Son roi de père ne voulait pas partager son autorité et avait probablement peu confiance dans les qualités de gouvernement de son fils aîné. Par ailleurs, la révolte de Courteheuse peut s'analyser comme un « classique conflit de génération » entre un père représentant d'une époque austère et un fils fastueux, témoin d'une jeunesse bouillonnante.
Robert et ses fidèles (parmi lesquels plusieurs fils des soutiens de Guillaume : Robert II de Bellême, Guillaume de Breteuil et Roger Fitz Richard) trouvent refuge auprès de Hugues Ier de Châteauneuf, seigneur du Thymerais, et s'installent dans son château de Rémalard. Guillaume le Conquérant, assisté de Rotrou II du Perche, assiège et s'empare du château. Robert trouve refuge chez son oncle Robert le Frison puis à la cour du roi Philippe Ier de France, deux des principaux ennemis du duc de Normandie. Ce dernier confie au rebelle la forteresse de Gerberoy face à la frontière normande, où les rejoignent de nouveaux rebelles.
Guillaume le Conquérant assiège le château en janvier 1079, mais Robert tient son père en échec. Les troupes assiégées sortent du château par surprise et attaquent les assaillants : Robert ferait même tomber son père de cheval en combat singulier. L'armée de Guillaume doit battre en retraite à Rouen. Finalement les deux hommes finissent par signer le 12 avril 1080, Guillaume confirmant Robert comme son héritier. Robert reçoit des responsabilités en Angleterre aux côtés de son oncle Odon de Bayeux.
Cette nouvelle défaite militaire incite les adversaires de Guillaume à attaquer ses terres. En août et septembre 1079, le roi d'Écosse Malcolm III attaque le nord de l’Angleterre. Il pille le Northumberland pendant trois semaines sans opposition, et rentre au pays avec un lourd butin et de nombreux esclaves. Le manque de résistance armée choque les habitants de Northumbrie, qui se rebellent à leur tour au printemps 1080 contre Guillaume Walcher, évêque de Durham, devenu comte de Northumbrie en 1075. Le meurtre du comte Ligulf de Lumley, un Northumbrien, par l'archidiacre Leobwin sert d'étincelle : Walcher et plusieurs de ses hommes, venus à la rencontre des habitants, sont tués. Guillaume envoie son demi-frère Odon de Bayeux mater la révolte : la majeure partie de la noblesse autochtone doit s'exiler et le pouvoir de la noblesse anglo-saxonne en Northumbrie est brisé.
Guillaume quitte la Normandie en juillet 1080, et en automne son fils Robert est envoyé en campagne contre les Écossais. Robert prend Lothian, forçant Malcolm à négocier, et fait construire un nouveau château à Newcastle-on-Tyne sur la route du retour. Le roi est à Gloucester à Noël et à Winchester pour Pentecôte en 1081 ; il visite également le pays de Galles, où il amène dans la cathédrale de St David's les reliques de Saint David de Ménevie. Une ambassade papale est accueillie à cette époque, venue demander la fidélité de l'Angleterre au Pape, ce que Guillaume refuse.
Fin 1081, Guillaume est de retour sur le continent, pour intervenir de nouveau dans le Maine. Son expédition s'achève sur un accord négocié par l'intermédiaire d'un légat du pape. Guillaume ordonne l'arrestation de son demi-frère Odon en 1082, pour des raisons qui ne sont pas certaines : Orderic Vital l'explique par les ambitions d'Odon de devenir pape et par son projet d'envahir le sud de l'Italie avec l'aide de certains vassaux de Guillaume, ce qu'il aurait caché au duc-roi. Odon est emprisonné mais ses terres lui sont conservées. Peu après, son fils Robert se révolte de nouveau et rejoint le roi de France Philippe Ier.
Enfin, la reine Mathilde, avec laquelle Guillaume forme un couple solide et fidèle, tombe malade à l'été 1083. Reine active et régente du duché pendant les séjours de Guillaume en Normandie, elle meurt le 2 novembre 1083. Ses nombreuses terres en Angleterre sont léguées à son benjamin Henri, tandis que sa couronne et son sceptre vont aux nonnes de la Sainte-Trinité. Selon sa volonté, elle est inhumée dans l'église de la Sainte-Trinité de Caen. Sa tombe subsiste encore de nos jours, mais a été pillée par les Protestants en 1562.
Guillaume semble gérer son duché ces années-là sans intervenir militairement. La situation au Maine ne se pacifie pas, Hubert de Beaumont-au-Maine étant assiégé à partir de 1083 dans son château de Sainte-Suzanne, en vain, pendant environ trois ans. Les troupes normandes, basées au Camp de Beugy et commandées un premier temps par Alain le Roux, sont plusieurs fois défaites. Guillaume, découragé par la mort de nombreux chevaliers, signe finalement la paix avec Hubert qui est rétabli dans ses terres.
Dans le nord de l'Angleterre, l'armée normande se prépare à une invasion du roi Knut IV de Danemark. Alors qu'aux Pâques 1084 il est en Normandie, Guillaume part un temps en Angleterre superviser le maintien de ses troupes en alerte et la collecte du danegeld, un impôt établi pour solder les troupes. Il lance pendant son séjour la rédaction du Domesday Book, inventaire de toutes les possessions dans son royaume, probablement dans un but de récolter plus d'argent de ses impôts. L'invasion danoise ne vient finalement pas, le roi mourant en juillet 1086.
Guillaume retourne en Normandie à l'automne 1086. Il marie sa fille Constance à Alan Fergant, duc de Bretagne, dans le but de renforcer ses alliances face au roi de France Philippe Ier. Confronté aux velléités de ce dernier, Guillaume lance une expédition sur le Vexin français en juillet 1087. Il conduit son armée jusqu'à Mantes qu'il brûle. La tradition a gardé que ce fut dans la rue de la Chaussetterie, à Mantes, près le parvis Notre-Dame que le vainqueur trouva la mort dans son triomphe. Alors que le duc-roi est handicapé à la fin de sa vie par une obésité, une blessure ou une maladie le contraint, selon Orderic Vital, à retourner dans sa capitale, Rouen.
Il agonise quelques jours en toute lucidité au prieuré de Saint-Gervais, aux portes de la ville. Avant de mourir le 9 septembre 1087, le duc-roi règle sa succession : il confie à son fils aîné Robert Courteheuse le duché de Normandie, tandis que son deuxième fils Guillaume le Roux reçoit la couronne d'Angleterre. Son troisième fils, Henri, reçoit de l'argent. Il demande enfin que tous les prisonniers qui promettent de ne pas troubler l'ordre public soient relâchés70, ce qui sera notamment le cas de son demi-frère Odonb.
Son corps est ensuite transporté par mer jusqu'à Caen, pour être inhumé en l'abbatiale Saint-Étienne. En contant la triste fin de Guillaume, le chroniqueur Orderic Vital explique que lors de l'inhumation, il fallut forcer son corps pour pouvoir l'introduire dans le sarcophage, si bien que la peau de bœuf dans laquelle il était enveloppé se déchira, faisant éclater son ventre qui exhala une insupportable odeur de putréfaction. Ce point semble en contradiction avec un paragraphe précédent où le moine évoque « les embaumeurs et les croque-morts » qui préparèrent le corps mais les techniques d’embaumement égyptiennes étaient perdues à cette époque et les moyens empiriques utilisés ne garantissaient pas la préservation des corps.
Sa tombe a été visitée plusieurs fois depuis son inhumation. En 1522, la tombe est ouverte une première fois sur ordre papal. En 1562, pendant les guerres de religion, les protestants profanent, vandalisent et pillent son tombeau. Sa dépouille est exhumée, mise en pièce, et dispersée ; seul son fémur gauche aurait été sauvé par le poète Charles Toustain de La Mazurie et retrouvé lors de l'ouverture d'un caveau maçonné se trouvant dans le chœur de l'abbatiale, le 22 août 1983. La relique est placée dans un nouveau tombeau en 1642, qui est remplacé au XVIIIe siècle par un monument plus élaboré... qui est détruit pendant la révolution française. Sous la dalle actuelle qui porte son épitaphe, datant du XIXe siècle, il ne reste de son squelette qu'un fémur et une mâchoire qui auraient été sauvegardés in extremis. Il n'existe pas de portrait authentique de Guillaume, ses représentations sur la tapisserie de Bayeux ou sur les pièces étant mises en scène pour affirmer son autorité. Cependant, les descriptions connues de son apparence dessinent un personnage de forte carrure, robuste, à la voix gutturale. Comme tous les Normands de son époque, il porte la coupe au bol et n'a pas de barbe, il jouit d'une santé excellente jusqu'à un âge avancé, même s'il semble l'objet de surpoids à la fin de sa vie. Il est particulièrement fort, capable de tirer à l'arc mieux que beaucoup d'autres et a une bonne endurance. L'examen de son fémur, le seul os à avoir survécu à la destruction de ses restes, indique qu'il mesurait environ 1,73 m, soit 10 cm de plus que la moyenne des hommes de son temps.
S'il semble avoir été éduqué par deux tuteurs à la fin des années 1030 et au début des années 1040, on connaît peu de choses de l'éducation littéraire de Guillaume, sinon qu'il ne semble pas avoir été incité particulièrement à une quelconque forme d'érudition, son principal loisir étant la chasse. Il contribue cependant au développement du clergé pendant son règne, et aux monastères qui, eux, sont des centres d'érudition et de savoir. Si sa piété est louée par les chroniqueurs médiévaux, certains critiquent son avidité et sa cruauté. Il est capable à la fois de discernement et d’emportement colérique.
Son mariage avec Mathilde forme une union affectueuse et confiante ; on ne lui connaît ni maîtresse ni enfant illégitime, et aucun élément n'indique qu'il lui ait été infidèle, ce qui n'était pas courant pour un souverain à cette époque.



