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Henry II Plantagenet

Henri II (5 mars 1133-6 juillet 1189)n 1 fut comte d'Anjou et du Maine, duc de Normandie et d'Aquitaine et roi d'Angleterre.

 

Fils de Geoffroy V d'Anjou et de Mathilde l'Emperesse, fille du roi Henri d'Angleterre, il participa aux efforts de sa mère pour reprendre le trône d'Angleterre occupé par Étienne de Blois, cousin de sa mère et neveu de son grand-père Henri Ier. Fait duc de Normandie à 17 ans, il hérita du comté d'Anjou en 1151 et épousa peu après la duchesse Aliénor d'Aquitaine, dont le mariage avec le roi Louis VII de France avait récemment été annulé par le second concile de Beaugency. Après l'expédition d'Henri en Angleterre en 1153, le roi Étienne signa le traité de Wallingford par lequel il acceptait comme héritier Henri. Ce dernier monta sur le trône un an plus tard.

Henri II se révéla un souverain énergique et parfois brutal qui chercha à récupérer les terres et les privilèges de son grand-père, Henri. Au début de son règne, il restaura l'administration royale dévastée par la guerre civile et rétablit l'autorité de la Couronne sur le pays de Galles et ses possessions continentales. Sa volonté d'accroître le contrôle royal de l'Église lui valut l'opposition de son ami Thomas Becket, l'archevêque de Cantorbéry, et la dispute qui dura une grande partie des années 1160 se solda par l'assassinat de l'ecclésiastique en 1170. Sur le continent, Henri II entra en conflit avec Louis VII et les deux souverains s'affrontèrent dans ce qui a été qualifié de « guerre froide » pendant plusieurs décennies. Henri II agrandit ses possessions continentales souvent aux dépens du roi de France et en 1172, il contrôlait l'Angleterre, une grande partie du pays de Galles, la moitié orientale de l'Irlande et la moitié occidentale de la France ; ces territoires ont été qualifiés d'« Empire Plantagenêt » par les historiens.

Henri II et Aliénor eurent huit enfants et cela provoqua de fortes tensions sur la succession et le partage de l'Empire, des frictions encouragées par Louis VII et son fils Philippe Auguste. En 1173, le fils aîné d'Henri II, Henri le Jeune organisa un soulèvement pour protester contre sa mise à l'écart du gouvernement et il fut rejoint par sa mère et ses frères Richard et Geoffroy ainsi que par les comtes de Flandre et de Boulogne. Cette Grande Révolte fut écrasée mais la réconciliation ne dura pas longtemps et Henri le Jeune mourut après une nouvelle révolte en 1183. L'invasion de l'Irlande permit à Henri II d'offrir des terres à son fils cadet Jean mais le roi avait du mal à satisfaire les désirs de pouvoir de tous ses fils. Philippe II parvint à convaincre Richard qu'il risquait d'être évincé de la succession au profit de Jean et il se révolta en 1189. Henri II fut vaincu et il mourut peu après au château de Chinon d'une hémorragie digestive provoquée par un ulcère.

L'Empire Plantagenêt s'effondra rapidement sous le règne de Jean dans les premières années du XIIIe siècle mais les réformes d'Henri II eurent une influence durable notamment dans le domaine juridique et la définition du droit anglais. Les historiens du XVIIIe siècle considéraient qu'il avait largement contribué à la création d'une monarchie anglaise et finalement, d'une Grande-Bretagne unifiée. L'expansion de l'Empire britannique durant l'époque victorienne entraîna un regain d'intérêt pour la création de l'Empire Plantagenêt, même si le traitement infligé par le roi à ses fils et à Becket a fait l'objet de débats.

 

Henri est né au Mans le 5 mars 1133 ; il était le premier fils du comte Geoffroy V d'Anjou et de Mathilde l'Emperesse ainsi nommée en raison de sa première union avec l'empereur Henri V1. Le comté d'Anjou avait été créé au Xe siècle et les souverains Plantagenêt avaient étendu leurs possessions via des mariages et des alliances. En théorie, le comte était le vassal du roi de France mais l'influence royale s'affaiblit au XIe siècle et le comté disposait d'une large autonomie.

La mère d'Henri était la fille aînée de Henri Ier, roi d'Angleterre et duc de Normandie, et fils cadet de Guillaume le Conquérant5. Mathilde fut fiancée très jeune à Henri V et après sa mort en 1125, elle se remaria avec Geoffroy V. À la suite du décès d'Henri Ier en 1135, elle espérait pouvoir monter sur le trône d'Angleterre, conformément à la volonté d'Henri Ier. La reconnaissance d'une femme à la royauté n'était toutefois pas assurée, et ce fut finalement son cousin Étienne de Blois qui s'empara du pouvoir, se faisant couronner roi et reconnaître comme duc de Normandie. La dispute dégénéra rapidement en conflit ouvert entre les deux camps ; Geoffroy V profita du désordre pour s'emparer du duché de Normandie mais il laissa la gestion de la querelle anglaise à Mathilde et à son demi-frère, le comte Robert de Gloucester. Le conflit, qui fut appelé Anarchie anglaise par les historiens victoriens, se prolongea sans qu'aucun camp ne parvienne à prendre l'ascendant.

Henri passa probablement une partie de son enfance avec sa mère qu'il accompagna en Normandie à la fin des années 1130. Vers l'âge de sept ans, il fut éduqué par Pierre de Saintes, un célèbre philologue d'Anjou et surtout par le comte de Gloucester, un homme d'une « admirable sagesse » selon la Gesta Stephani. Fin 1142, Geoffroy V décida d'envoyer le garçon, âgé de 9 ans, et Robert de Gloucester à Bristol, un de ses bastions contre le pouvoir d'Étienne. Bien que confier ses enfants à des proches était courant pour l'époque, envoyer Henri en Angleterre était une manœuvre politique car Geoffroy V était critiqué pour son refus de participer à la guerre sur l'île. Pendant environ un an, Henri vécut avec Roger de Worcester, l'un des fils de Robert, dont la suite était connue pour son érudition1. Les chanoines de l'église Sainte-Augustine de Bristol participèrent également à son éducation14. Henri rentra en Anjou en 1143 ou 1144 pour suivre l'enseignement du grammairien Guillaume de Conches.

En 1147, âgé de 14 ans, il recruta des mercenaires et traversa la Manche avant d'attaquer le Wiltshire. Même si l'offensive provoqua une grande panique, l'expédition fut un échec et Henri, à court d'argent, fut contraint de rentrer en Normandie. Ni sa mère, ni son oncle ne lui apportaient leur soutien, ce qui signifie qu'il n'avait pas obtenu leur approbation pour cette attaque. Étonnamment, ce fut le roi Étienne qui paya la solde des mercenaires et les renvoya chez eux, permettant à l'adolescent de se sortir de cette affaire avec dignité. Les motivations du roi ne sont pas claires ; il s'agissait peut-être d'une marque de respect à un membre de sa famille élargie voire d'une sorte d'amusement ou, voyant que l'issue de la guerre ne pourrait être que diplomatique, Étienne aurait cherché à se rapprocher d'Henri. En 1149, ce dernier planifia néanmoins une nouvelle expédition et s'allia avec son grand-oncle, le roi David Ier d'Écosse, ainsi qu'avec Ranulph de Chester, un puissant noble qui contrôlait une grande partie du Nord-Ouest de l'Angleterre. Il fut décidé que l'offensive viserait York, mais celle-ci fut annulée après l'arrivée de l'armée d'Étienne et Henri retourna en Normandie.

Selon les chroniqueurs, Henri était un jeune homme séduisant aux cheveux roux avec des taches de rousseurs ; il était trapu avec une grosse tête et les jambes arquées à force de monter à cheval. Moins réservé que sa mère et moins charmant que son père, Henri était connu pour son énergie et son enthousiasme ainsi que pour son regard perçant et ses coups de sang qui le poussaient parfois à refuser de parler à quiconque. Il comprenait plusieurs langues mais ne parlait que latin et français. Dans sa jeunesse, Henri appréciait la guerre, la chasse et les autres loisirs aventureux mais au fil des années, il devint plus prudent et consacra son énergie à la justice et aux questions administratives. Il fut probablement le premier roi d'Angleterre à utiliser un symbole héraldique en faisant graver un lion ou un léopard sur son sceau ; par la suite, ce dessin fut repris pour former les armoiries de l'Angleterre.

 

En réponse au siège du château de Wallingford, Henri retourna à nouveau en Angleterre, début 1153, malgré de violentes tempêtes. Accompagné uniquement d'une petite troupe de mercenaires probablement payés avec un emprunt, Henri était soutenu dans le Nord et l'Est de l'Angleterre par les forces du comte Ranulph de Chester et du comte de Norfolk, Hugues Bigot. Une délégation d'ecclésiastiques anglais rencontra Henri et ses conseillers à Stockbridge peu avant Pâques en avril. Les détails de la rencontre sont inconnus mais il semble que si le clergé affirmait son soutien à Étienne, il cherchait à obtenir un accord de paix.

Dans une manœuvre destinée à éloigner les forces d'Étienne de Wallingford, Henri assiégea son château à Malmesbury et le roi répondit en menant une armée pour lever le siège. Le duc de Normandie parvint à éviter un affrontement le long de l'Avon mais devant l'arrivée prochaine de l'hiver, les deux hommes signèrent une trêve. Henri se rendit alors dans le Nord via les Midlands où le puissant comte de Leicester Robert II de Beaumont lui apporta son soutien58. Dans le même temps, il chercha à se présenter comme le roi légitime en assistant à des mariages et en organisant une cour d'une manière royale.

Durant l'été suivant, Étienne massa des troupes autour du château de Wallingford dont la chute paraissait imminente61,59. Henri se rendit dans le Sud pour secourir la forteresse et il assiégea les assiégeants. Ayant appris cela, Étienne revint à la tête d'une grande armée. À ce moment de la guerre, les barons des deux camps étaient désireux d'éviter une sanglante bataille rangée et le clergé négocia une trêve. Henri et Étienne profitèrent de l'opportunité pour ouvrir des négociations secrètes destinées à mettre fin au conflit ; par chance pour Henri, le fils d'Étienne, Eustache, tomba malade et mourut peu après, supprimant ainsi le principal prétendant au trône d'Angleterre car son second fils, Guillaume, ne semblait pas préoccupé par une éventuelle revendication au trône. Les combats continuèrent de manière sporadique alors que l'Église d'Angleterre tentait d'obtenir une paix permanente.

En novembre, les deux chefs ratifièrent le traité de Winchester qui fut annoncé dans la cathédrale du même nom. D'après le traité, Étienne reconnaissait Henri comme son fils adopté et successeur, et en échange ce dernier lui rendait hommage et démobilisait ses mercenaires ; Étienne promettait d'écouter les conseils d'Henri mais conservait tous ses pouvoirs royaux, tandis que son fils Guillaume renonçait au trône en échange de la sécurisation du contrôle de ses terres. La paix restait cependant précaire et Guillaume restait un potentiel rival pour Henri. En raison de rumeurs concernant un complot pour l'assassiner, Henri décida de retourner en Normandie mais la mort d'Étienne le 25 octobre 1154 des suites de violents maux de ventre lui permit d'accéder au trône plus rapidement que prévu.

 

Après avoir débarqué en Angleterre le 8 décembre 1154, Henri reçut rapidement les serments de loyauté de plusieurs barons et fut couronné aux côtés d'Aliénor à Westminster le 19 décembre. La cour royale se rassembla en avril 1155 et les barons prêtèrent serment d'allégeance au roi et à ses fils. Il restait encore plusieurs rivaux potentiels dont Guillaume, le fils d'Étienne, ainsi que Geoffroy et Guillaume, les frères d'Henri. Par chance pour ce dernier, ils moururent tous dans les années qui suivirent, lui laissant un trône relativement stable. La situation de l'Angleterre était cependant délicate car le royaume avait été dévasté par la guerre civile. De nombreuses fortifications avaient été construites sans autorisation par les nobles locaux, la loi forestière n'était plus respectée dans de larges portions du pays et les revenus de la Couronne avaient été sévèrement réduits.

Se présentant comme l'héritier légitime d'Henri Ier, Henri II commença à remodeler le royaume à son image. Même si Étienne avait tenté d'imiter la méthode de gouvernement de son prédécesseur, le nouveau roi présenta ses 19 années de règne comme une période chaotique et troublée, dont tous les problèmes venaient de l'usurpation du trône par Étienne. Henri II prit grand soin de montrer qu'à la différence de sa mère, il écouterait les avis et les conseils de sa cour. Diverses mesures furent immédiatement prises même si, étant donné que le roi passa les trois quarts de ses huit premières années de règne en France, une grande partie des questions administratives durent être menées à distance. Les châteaux illégaux furent démolis et des réformes furent lancées pour restaurer le système judiciaire et les finances royales. Henri II investit également largement dans la construction et la rénovation de nouvelles résidences royales.

Le roi d'Écosse et les seigneurs gallois avaient profité de la guerre civile anglaise pour s'emparer de territoires frontaliers disputés, et Henri II entreprit de les récupérer. En 1157, les pressions anglaises forcèrent le jeune roi à rendre les territoires conquis, et Henri II fortifia immédiatement la frontière nord. La restauration de l'autorité royale dans le pays de Galles se révéla plus ardue, et Henri II dut mener plusieurs campagnes difficiles en Galles du Nord et du Sud en 1157 et 1158 avant que les princes Owain Gwynedd et Rhys ap Gruffydd ne se soumettent et acceptent le retour aux frontières d'avant-guerre.

 

La richesse d'Henri II lui permit de maintenir ce qui était probablement la curia regis ou cour royale la plus importante d'Europe, composée de barons, d'évêques, de chevaliers, de serviteurs et d'administrateurs. Le roi était entouré d'un cercle informel appelé familiares regis, formé de confidents, d'amis et de proches qui jouaient un rôle important pour la gestion de l'administration et servaient d'intermédiaires entre les structures officielles et le souverain.

Henri II s'efforça de créer une cour sophistiquée soutenant notamment la littérature. Ce fut cependant pour la chasse, la passion du souverain, que la cour devint célèbre. Henri II disposait de nombreux pavillons de chasse dans tout son royaume et il investit largement dans la rénovation et l'extension de ses châteaux, à la fois pour des raisons militaires et pour témoigner de la puissance de son pouvoir. La vie de la cour était assez protocolaire, ce qui était peut-être lié à la volonté du roi de faire oublier son accession rapide au trône et son statut relativement humble de fils de comte.

L'historien John Gillingham décrivit l'Empire Plantagenêt comme une « entreprise familiale ». La mère d'Henri II, Mathilde, joua un rôle important dans sa jeunesse et elle continua à exercer une forte influence sur son fils durant son règne. La relation du souverain avec son épouse Aliénor était plus complexe. Henri II lui confia l'administration de l'Angleterre pendant plusieurs années après 1154 et il la laissa gouverner l'Aquitaine par la suite166. Leur relation se détériora cependant dans les années 1160, et les chroniqueurs et les historiens se sont interrogés sur ce qui a poussé Aliénor à soutenir ses fils contre son époux lors de la révolte de 1173-1174. Les nombreuses interventions d'Henri II en Aquitaine, sa reconnaissance de Raymond V de Toulouse comme son vassal en 1173 ou sa personnalité rugueuse figurent parmi les explications les plus probables.

Henri II eut huit enfants légitimes avec Aliénor : Guillaume, Henri le Jeune, Richard, Mathilde, Geoffroy, Aliénor, Jeanne et Jean. Il eut également plusieurs maîtresses dont Annabelle de Balliol et Rosamund Clifford avec qui il eut des enfants illégitimes ; les plus connus sont Geoffroy (par la suite archevêque d'York) et Guillaume (par la suite comte de Salisbury). La famille d'Henri II était divisée par de profondes rivalités, plus que la plupart des autres familles royales de l'époque, et en particulier bien plus que la maison française rivale des Capétiens. Diverses raisons ont été avancées pour expliquer ces tensions comme des prédispositions génétiques, des personnalités irascibles ou l'échec de l'éducation des enfants. Des historiens comme Matthew Strickland ont avancé qu'Henri II avait fait des choix sensés pour apaiser les frictions dans sa famille et que la succession aurait pu être moins difficile s'il était mort plus tôt.

 

Les tensions entre Henri II et Louis VII persistèrent tout au long des années 1160 et les efforts du roi de France pour lutter contre l'expansion Plantagenêt devinrent de plus en plus vigoureux. En 1160, ce dernier renforça ses alliances dans le Centre de la France avec Henri Ier de Champagne et le duc Eudes II de Bourgogne. Trois ans plus tard, le nouveau comte de Flandre, Philippe, inquiet de la puissance grandissante d'Henri II se rapprocha ouvertement du roi de France. Par ailleurs, la naissance d'un fils, Philippe Auguste, en 1165 renforça la position de Louis VII. Ces développements entraînèrent un regain de tensions au milieu des années 1160.

Dans le même temps, Henri II commença à s'impliquer de plus en plus dans les affaires bretonnes ; en 1164, il confisqua les terres le long de la frontière entre la Bretagne et la Normandie et deux ans plus tard, il mena une expédition punitive contre la noblesse locale. Henri II contraignit ensuite Conan IV à abdiquer en faveur de sa fille Constance ; cette dernière passa sous la garde du roi anglais qui la fiança immédiatement à son fils Geoffroy. Ses tentatives d'annexion de l'Auvergne provoquèrent la colère de Louis VII et plus au sud, il poursuivit ses pressions contre Raymond V de Toulouse. Henri II mena personnellement campagne contre lui en 1161 et encouragea le roi Alphonse II d'Aragon à l'attaquer. En 1165, le comte de Toulouse divorça de la sœur de Louis VII et chercha à s'allier à Henri II.

La situation dégénéra finalement en un conflit ouvert en 1167 à la suite d'une querelle triviale sur la manière dont l'argent destiné aux États latins du Levant devait être collectée. S'étant allié aux Gallois, aux Écossais et aux Bretons, Louis VII attaqua la Normandie. Henri II répondit en attaquant Chaumont-sur-Epte où se trouvait le principal arsenal français ; la destruction de la ville et des réserves contraignit le roi de France à abandonner ses alliés et à signer une trêve séparée. Henri II était ainsi libre de se retourner contre les rebelles en Bretagne dont il avait l'intention de prendre personnellement le contrôle.

À la fin de la décennie, Henri II commença à envisager sa succession et il décida que son empire serait divisé entre ses fils après sa mort. Henri le Jeune obtiendrait l'Angleterre et la Normandie, Richard deviendrait duc d'Aquitaine et la Bretagne serait transmise à Geoffroy. L'accord du roi de France était nécessaire pour un tel partage et de nouvelles négociations de paix furent menées en 1169 à Montmirail. Les discussions portèrent sur de nombreux points et s'achevèrent par l'hommage rendu à Louis VII par les fils d'Henri II pour leurs futures possessions et par les fiançailles de Richard avec Adèle, la fille du roi de France.

 

Si les accords de Montmirail avaient été appliqués, les hommages auraient renforcé la position royale de Louis VII tout en réduisant la légitimité de toute révolte dans les territoires Plantagenêt ; ils laissaient par ailleurs présager une potentielle alliance entre les deux souverains. En pratique, Louis VII estima qu'il avait temporairement pris l'ascendant et il encouragea les tensions entre Henri II et ses fils immédiatement après la fin de la conférence. Dans le même temps, la situation d'Henri II dans le Sud de la France continua à s'améliorer et en 1173, il forma une alliance avec le comte Humbert III de Savoie qui fiança sa fille Alix à Jean. Le mariage d'Aliénor, la fille du souverain d'Angleterre, au roi Alphonse VIII de Castille en 1170 lui donna un nouvel allié au sud. Raymond V de Toulouse céda finalement aux pressions en février 1173 et il reconnut la suzeraineté d'Henri II et de ses héritiers sur son comté.

 

L'un des principaux événements du règne d'Henri II dans les années 1160 fut sa querelle avec Thomas Becket. À la mort de l'archevêque de Cantorbéry Thibaut de Bec en 1161, le roi voulut profiter de l'occasion pour réaffirmer ses droits sur l'Église en Angleterre. Il nomma ainsi à cette fonction son chancelier Thomas Becket en considérant probablement que ce dernier, en plus d'être un vieil ami, serait affaibli au sein du clergé en raison de son train de vie dispendieux et aurait besoin de l'appui du roi. Mathilde et Aliénor semblent avoir eu des doutes sur l'opportunité de cette nomination mais Henri II persista. Son plan n'eut cependant pas l'effet escompté car Becket changea radicalement son mode de vie, rompit ses liens avec le roi et se présenta comme un ardent défenseur de l'indépendance de l'Église.

Les deux hommes s'affrontèrent sur de nombreux points notamment sur la politique d'imposition du roi ou la volonté de Becket de récupérer les terres appartenant à l'archevêché. La principale source de conflit concernait néanmoins le traitement des ecclésiastiques ayant commis des crimes ; Henri II estimait que les traditions juridiques anglaises autorisaient le roi à juger ces affaires tandis que l'archevêque avançait que seules des juridictions religieuses étaient compétentes. La dispute donna lieu aux Constitutions de Clarendon que le souverain imposa de force à Becket en janvier 1164 ; ce dernier accepta le texte mais se rétracta peu après. Le sens du texte était ambigu et continue à faire l'objet de débats entre historiens.

La querelle devint de plus en plus personnelle entre les deux hommes et aucun n'était prêt à céder. La dispute s'internationalisa également car les deux cherchèrent le soutien du pape Alexandre III et des autres souverains. Après le départ de Becket pour la France en 1164 où il trouva refuge auprès de Louis VII, Henri II se mit à harceler le clergé et l'archevêque excommunia tous ceux, religieux ou laïcs, qui prenaient parti pour le roi. Le pape soutenait Becket sur le principe mais il avait besoin de l'appui du roi d'Angleterre pour sa lutte contre l'empereur Frédéric Ier ; il s'efforça donc d'obtenir une solution négociée à la crise.

 

En 1169, Henri II décida de couronner son fils Henri le Jeune or cette cérémonie requérait traditionnellement la présence de l'archevêque de Cantorbéry. Par ailleurs, la dispute affectait le prestige de la Couronne à l'étranger et le roi commença à adopter une politique plus conciliante. Cela échoua et Henri le Jeune fut finalement couronné par l'archevêque d'York en 1170. Le pape autorisa Becket à émettre un interdit et menaça d'excommunier personnellement Henri II, ce qui obligea ce dernier à plier. Un accord fut finalement signé en juillet 1170 et l'archevêque revint en Angleterre en décembre. Alors que la dispute semblait réglée, Becket excommunia trois autres partisans du roi ; furieux, Henri II déclara « Quels misérables parasites et traîtres ai-je nourris et promus dans ma maison [royale], pour qu'ils laissent leur seigneur être traité avec un si honteux dédain par un petit clerc ? »

Ayant apparemment entendu cette déclaration, quatre chevaliers se rendirent secrètement à Cantorbéry le 29 décembre 1170 avec l'intention de contraindre Becket à respecter l'accord avec le roi et dans le cas contraire, à l'arrêter. Ayant refusé, Becket reçut plusieurs coups d'épée et mourut peu après. Ce meurtre dans une église en face de l'autel horrifia l'Europe et alors que l'archevêque n'avait jamais été très populaire de son vivant, il fut déclaré martyr par les moines de la cathédrale. Concentré sur la question irlandaise, Henri II ne fit rien pour arrêter les assassins de Becket. La pression internationale l'obligea néanmoins à négocier un compromis avec le pape en mai 1172. Selon le document, il était absous de toute culpabilité dans le meurtre de Becket et acceptait de partir en croisade et d'abroger les Constitutions de Clarendon ; il ne respecta cependant pas son premier engagement.

 

À la fin des années 1170, Henri II s'efforça de stabiliser le gouvernement en s'appuyant notamment sur sa famille mais les tensions concernant sa succession ne furent jamais résolues. Ayant finalement écrasé les derniers rebelles de la Grande Révolte, Richard fut reconnu par son père comme duc d'Aquitaine en 1179. Deux ans plus tard, Geoffroy épousa Constance et devint duc de Bretagne. Jean avait accompagné son père durant la Grande Révolte et beaucoup d'observateurs le considéraient comme son fils préféré. Henri II lui accorda de plus en plus en terres, souvent aux dépens de l'aristocratie, et en 1177, il le fit seigneur d'Irlande. Dans le même temps, Henri le Jeune passa la fin de la décennie à voyager en Europe où il participa à des tournois et ne joua qu'un rôle secondaire dans l'administration de son père.

Mécontent de ce manque d'influence et de pouvoir, Henri le Jeune réitéra ses précédentes demandes en 1182 : il voulait que lui soient octroyées des terres comme le duché de Normandie dont les revenus lui permettraient de financer sa cour. Henri II refusa mais accepta d'accroître la pension de son fils. Cela n'était pas suffisant pour ce dernier et le roi tenta d'apaiser les tensions en insistant pour que Richard et Geoffroy rendent hommage à leur frère pour leurs terres. Richard estimait qu'Henri le Jeune n'avait aucun droit sur l'Aquitaine et il commença par refuser de reconnaître sa vassalité ; quand il le fit sous la pression de son père, son frère refusa de l'accepter. Henri le Jeune forma une alliance avec des barons aquitains mécontents et avec Geoffroy, qui leva une armée de mercenaires pour attaquer le Poitou. La guerre éclata en 1183 et Henri II et Richard firent campagne en Aquitaine. La révolte disparut néanmoins soudainement quand Henri le Jeune mourut de la dysenterie en 11833.

Son fils aîné étant mort, Henri II modifia les conditions de sa succession : Richard deviendrait roi d'Angleterre mais il n'aurait aucun pouvoir jusqu'à la mort de son père ; Geoffroy conserverait la Bretagne qu'il avait obtenue par mariage et Jean, son fils préféré, obtiendrait le duché d'Aquitaine. Richard refusa néanmoins d'abandonner le duché auquel il s'était attaché car il n'avait aucune envie de devenir un roi d'Angleterre subalterne sans pouvoir. Furieux, Henri II ordonna à Geoffroy et à Jean de marcher vers le sud pour reprendre le duché par la force. La guerre fut courte et elle se termina par une difficile réconciliation familiale à Westminster à la fin de l'année 1184. L'année suivante, Henri II fit venir Aliénor en Normandie pour obliger Richard à lui obéir, tout en menaçant de céder la Normandie et peut-être l'Angleterre à Geoffroy. Richard capitula devant cette menace et il céda les châteaux ducaux en Aquitaine à son père.

Dans le même temps, Jean entreprit une expédition en Irlande en 1185 dont l'issue fut peu glorieuse. L'île n'avait été que récemment conquise par les forces anglo-normandes et les tensions étaient fortes entre les représentants de la Couronne, les colons et les populations locales. Jean offensa les seigneurs locaux, échoua à se faire des alliés parmi les colons anglo-normands et subit plusieurs revers militaires face aux Irlandais ; il retourna finalement en Angleterre moins d'un an après son arrivée. En 1186, Henri II était sur le point de le renvoyer sur l'île quand il apprit que Geoffroy avait été tué lors d'un tournoi à Paris, laissant derrière lui deux jeunes enfants. Cet incident modifia à nouveau l'équilibre des forces entre le roi et ses fils.

 

La rupture entre Henri II et Richard fut finalement consommée lors d'une conférence de paix organisée en novembre 1188 par Philippe II. Ce dernier offrit publiquement une généreuse proposition de paix par laquelle il cédait divers territoires, en échange de quoi le roi anglais acceptait le mariage de Richard et d'Alix et reconnaissait son fils comme héritier. Le refus d'Henri II poussa son fils à se lever et à prendre la parole pour lui demander de le reconnaître comme son héritier. Le roi restant silencieux, Richard rejoignit ostensiblement le côté français et rendit hommage à Philippe devant tous les nobles rassemblés.

Le pape intervint à nouveau et obtint un accord de dernière minute qui entraîna le début d'une nouvelle conférence à La Ferté-Bernard en 1189. Henri II souffrait alors d'une hémorragie digestive provoquée par un ulcère. Les discussions achoppèrent rapidement, même si Henri II aurait proposé à Philippe II de marier Alix à Jean au lieu de Richard, ce qui reflétait les rumeurs selon lesquelles le roi envisageait ouvertement de déshériter son fils. La rupture des négociations signifiait que la guerre était inévitable, mais Richard et Philippe II lancèrent une attaque surprise immédiatement après la fin de la conférence alors que cela était traditionnellement une période de trêve.

Henri II fut surpris au Mans mais parvint à rejoindre Alençon d'où il pourrait gagner la sécurité de la Normandie. Contre l'avis de ses conseillers, il décida cependant de faire demi-tour et de retourner en Anjou. Le temps était particulièrement chaud et le roi, de plus en plus souffrant, semble avoir voulu mourir paisiblement dans sa province natale plutôt que de mener une nouvelle campagne. Henri II évita les forces adverses sur son chemin et il s'effondra dans son château de Chinon. Philippe II et Richard progressèrent d'autant plus rapidement qu'il était évident que le roi était mourant et que ce dernier deviendrait roi. Ils proposèrent de négocier et rencontrèrent Henri II, à peine capable de se tenir sur son cheval, à Ballan. Ce dernier accepta une reddition totale : il rendait hommage à Philippe II ; il confiait Alix à un garant avant son mariage avec Richard à son retour de croisade ; il reconnaissait ce dernier comme son héritier et il acceptait le paiement d'indemnités à Philippe II et la cession de forteresses stratégiques en garantie.

Henri II fut ramené en palanquin à Chinon où il apprit que Jean avait publiquement rejoint son frère contre lui. Cette information lui porta un coup fatal et il développa une forte fièvre qui le fit délirer ; il ne recouvra ses esprits que le temps de se confesser et il mourut le 6 juillet 1189 à l'âge de 56 ans. Il avait souhaité être inhumé dans l'abbaye de Grandmont dans le Limousin mais le temps chaud rendit impossible le transport de sa dépouille qui fut enterrée dans l'abbaye de Fontevraud non loin de Chinon.

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