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Photos de morts victorien

La photographie post-mortem (la photographie funéraire) est la pratique de photographier des personnes récemment décédées. Ces photographies de proches décédés faisaient partie de la culture américaine et européenne au XIXème et début du XXème siècle. Commandées par les familles en deuil, ces photographies les accompagnaient non seulement dans le processus de deuil, mais souvent représentaient le seul souvenir visuel et étaient parmi les biens les plus précieux de la famille.

 

Pour mieux comprendre certaines costumes qui pourraient nous paraître macabre aujourd’hui, il est important de rappeler le contexte de l’époque. A la fin du XIXème siècle, la mortalité est très élevée, en particulier chez les enfants. Les conditions sanitaires de l’époque, mais aussi les épidémies de choléra et de tuberculose sont les premières causes de mortalité. Ainsi à cette époque, près d’un enfant sur cinq mourrait avant l’âge de cinq ans.

L’invention de la daguerréotype en 1839 permis de démocratiser le portrait et de le rendre accessible, même aux personnes moins aisées. Avant l’invention de la photographie, l’unique moyen d’obtenir un portrait pour la postérité étant de commissionner un peintre. Les méthodes photographiques développées à cette époque deviennent de moins en moins coûteuses et plus rapides.

 

La photographie post-mortem se développe dans les premières décennies de la photographie et devient très commune au XIXème siècle. Elle permet aux familles de conserver au moins une photographie de la personne disparue. Dès 1842, l’atelier parisien Frascari propose des portraits à domicile de personnes décédées. Parmi les photographies post-mortem, les photographies de nourrissons et de jeunes enfants sont courantes. Plus tard, l’invention de la carte de visite, qui a permis le tirage de plusieurs images sur le même négatif donna la possibilité aux familles de pouvoir avoir plusieurs tirages qu’elle pouvaient par exemple envoyer aux parents de la personne décédée.

 

La pratique atteint son pic de popularité vers la fin du XIXème siècle et en très fort déclin à partir de l’apparition de la photographie instantanée. Quelques portraits commémoratifs officiels furent encore produits au cours du XXème siècle. Les premières photos post-mortem avaient pour but de créer une image du défunt qu’il n’avait pas pu faire ou avoir de son vivant. Les personnes décédées étaient alors placées et positionnées pour faire penser qu’elles étaient simplement assoupies ou bien placées de manière à apparaître plus réalistes, les yeux ouverts. Les enfants étaient souvent représentés au repos sur le canapé ou dans un lit d’enfant, parfois avec des jouets. Il n’a pas été rare de photographier de très jeunes enfants avec un membre de la famille, le plus souvent la mère. Certaines images (en particulier les ferrotypes *aussi appelé mélainotype, est une technique photographique mise au point en 1852 par Adolphe-Alexandre Martin et qui supplanta peu à peu l'ambrotype à cause du faible coût des matériaux utilisés et de la rapidité du procédé et ambrotypes * est un procédé photographique dont le nom fut inventé par le daguerréotypiste Marcus Aurelius Root (1808-1888), tiré du grec ancien, de ἀνβροτός, « immortel » et τύπος, « impression »), étaient parfois teintées pour ajouter par exemple un peu de rose aux joues du défunt.

Les photographies représentant les personnes décédées dans un cercueil ou lors de funérailles apparurent plus tard. Moins populaires aux Etats-Unis, elles étaient plus courantes en Europe. La photographie post-mortem est encore pratiquée dans certaines régions du monde comme l’Europe de l’est.

 

Durant l’ère victorienne en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, la mort, les funérailles, le deuil, deviennent une véritable obsession. Tout est mis en œuvre pour dominer cette mort omniprésente. On meurt à la maison, entouré de sa famille et de ses amis. Les corps du défunt est installé dans le salon ou dans une chambre jusqu’à son inhumation. On ne cherche pas à préserver les enfants de la vision des morts. Il n’est pas rare que dans des familles pauvres, l’enfant doivent partager la chambre, et même le lit d’une sœur ou d’un frère mourant. On veille auprès du lit de mort. Les amis, les connaissances viennent présenter leurs condoléances à la famille.

 

La mère ou la veuve entame pour une durée de deux ans et demi, la période dite de grand deuil. Elle ne porte durant cette période que des vêtements de couleur noire et ne participera à aucune activité sociale. Durant les 6 derniers mois du deuil, il est permis de porter la couleur grise ou lavande. Dans la classe moyenne, les enfants sont tenus de respecter ce rituel, mais pour une durée de 1 an seulement.

La photographie va prendre une place importante dans le processus de deuil et de mémoire. Les familles font appel à des photographes locaux ou itinérants pour prendre des clichés de leurs défunts. L’aspect qui pourrait nous paraître le plus morbide, réside dans la mise en scène des clichés. Parfois, il s’agit simplement du corps placé dans un cercueil, d’autre fois on le place dans un lit pour faire croire qu’il sommeille. Plus singulier, le défunt est parfois accompagné des autres membres de la famille. Les mères portent leurs bébés dans leur bras . L’enfant se tient à côté de son frère mort… Parfois même, c’est toute la famille qui posent prêt du défunt.

 

Les photos ainsi prises sont précieusement conservées et placées dans l’album familial. On les envoie aux membres de la famille n’ayant pas pu se déplacer. On les encadre. On les porte en médaillon. Ces pratiques disparaissent progressivement avec la fin de l’époque victorienne et l’évolution du rapport à la mort. Il ne s’agira plus de montrer la mort pour la dompter,mais bien au contraire de la cacher pour l’éloigner.

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